Sommaire :
- 1/ Le siège d'Osaka (1614-1615)
- 2/ La persécution des Chrétiens
- 3/ La fin du shogunat et la guerre de Boshin
1/ Le siège d'Osaka (1614-1615)
Après la bataille de Sekigahara en 1600 remportée par l'armée de l'Est de Tokugawa Ieayasu, le clan Toyotomi est encore autorisé à conserver ses terres autour d'Osaka. Toyotomi Hideyori, le dernier fils vivant et successeur désigné de Toyotomi Hideyoshi, est désormais âgé de 22 ans en 1614 lorsque le clan décide de reconstruire le château d'Osaka et commence à rassembler de nombreux déjà perdu cette guerres sur ses terres.
Le shōgun Tokugawa Ieayasu utilise ce prétexte pour en finir une fois pour toute avec le successeur de Toyotomi Hideyoshi et avec le clan Toyotomi afin de raffermir et pérenniser le régime shogunal. L'inscription de la cloche nouvellement rénovée du temple Hōkō-ji est aussi interprétée comme une insulte par les Tokugawa.
Deux campagnes militaires (大坂冬の陣, « Osaka Fuyu no Jin », campagne d'hiver ;大坂夏の陣, « Osaka Natsu no Jin », campagne d'été) seront lancées par Tokugawa Ieayasu contre le clan Toyotomi et d'anciens samouraïs ralliés, vaincus à la bataille de Sekigahara mais désireux de recouvrer leurs anciennes possessions.
Les hostilités commencent en novembre 1614 par la prise d'un fort près de la rivière Kizugawa. Une semaine plus tard, le 16 novembre 1614 a lieu la bataille d'Imafuku. Les forces de l'armée de l'Est souhaitent s'emparer du village afin de sécuriser le ravitaillement en vue du siège du château d'Osaka. L'armée de l'Ouest menée par le clan Toyotomi résiste durant toute la journée mais est finalement battue par l'armée de l'Est shogunale.
Les batailles de Shigino, de Kizu-gawa et de Toda-Fukushim s’enchaînent et se soldent encore par des défaites pour le clan Toyotomi et l'armée de l'Ouest. Les forces de Tokugawa Ieayasu s'emparent ensuite d'une forteresse à Sanado-Maru et progressent encore un peu plus vers Osaka. Ces batailles mineures n'engagent que quelques milliers d'hommes à chaque fois.
La campagne d'été débute avec la bataille de Kashii en juin 1615. L'armée de l'Est fidèle au clan Toyotomi tente de soulager la pression à Osaka en lançant un raid sur le château de Wakayama d'Asano Nagaakira. Les 3 000 hommes de l'armée de l'Ouest sont commandés par Ōno Harunaga et font face à la garnison du château. Les 5 000 hommes de l'armée de l'Est sont commandés par Asano Nagaakira et affrontent victorieusement les assaillants à terrain découvert.
Une très importante bataille a lieu près du château d'Osaka près du mont Tamateyama : la bataille de Dōmyōji. Le samouraï Gotō Mototsugu a comme mission de défendre le col donnant accès à la vallée. Gotō Mototsugu attendra en vain des renforts qui ne viendront jamais à cause du brouillard. Il mènera plusieurs charges contre l'armée assaillante et sera finalement tué après avoir été blessé par un tir d'arquebuse.
Avec la mort de Gotō Mototsugu, l'armée de l'Ouest fidèle à Toyotomi Hideyori perd donc l'un de ses meilleurs généraux dans la journée du 3 juin 1615. L'accès au château d'Osaka est cette fois ouvert pour l'armée shogunale.
L'armée de l'Ouest commandée cette fois par Akashi Takenori (明石 全登) va tenter d'abattre en vain une dernière carte aux pieds du château. Mais l'armée de Tokugawa Ieayasu est trois fois plus nombreuse, elle regroupe près de 150 000 hommes et s'avance vers le château en 4 colonnes.
Malgré de nombreuses erreurs tactiques de part et d'autre, l'armée de l'Ouest subira de lourdes pertes et ne pourra éviter la défaite. C'est au cours de cette bataille que périra aussi le samouraï Sanada Yukimura. Dans le château d'Osaka, Toyotomi Hideyori sera obligé de se faire seppuku. Le fils de Hideyori, Toyotomi Kunimatsu, âgé de 8 ans, est capturé et décapité à Kyōto. Le clan Toyotomi est démantelé et ne constitue désormais plus une menace pour les Tokugawa.
Le célèbre Miyamoto Musashi, ayant déjà participé à la bataille de Sekigahara alors qu'il était âgé de 17 ans, aurait peut être aussi pris part au siège d'Osaka avec le clan Toyotomi, mais cela reste une supposition. Le samouraï participera aussi au siège du château de Hara en 1638 pour mâter la révolte des Chrétiens.
2/ La persécution des Chrétiens
L'arrivée des premiers missionnaires chrétiens catholiques a suivi de peu l'arrivée fortuite des premiers Européens en 1542 sur l'archipel : des commerçants portugais échoués sur l'île de Tanegashima. Les Japonais seront surtout intéressés par les armes européennes et le rôle d'intermédiaires commerçants de ces Européens entre la Chine et le Japon, notamment de la soie et de la porcelaine, alors que la Chine est interdite d'accès aux Japonais.
Les daimyōs et même le pouvoir central ne font rien contre l'évangélisation du pays par les missionnaires chrétiens, ils l'encouragent même en partie car elle leur permet de lutter contre l'influence très importante de certaines communautés bouddhistes, notamment les temples de Nara ou encore les redoutables ikko-ikki. D'autant plus que les commerçants chrétiens sont plus enclins à mouiller dans les ports des daimyōs convertis, ces derniers bénéficiant plus facilement d'arquebuses européennes, de meilleure qualité que leurs copies japonaises.
Cependant, l'unification du Japon avec Oda Nobunaga entraîne une méfiance accrue contre cette religion prosélyte qui a réussit à convertir des centaines de milliers de Japonais en quelques décennies, notamment grâce à l'action du missionnaire jésuite Saint François Xavier.
Les Japonais privilégieront l'entretien de relations commerciales avec les Hollandais protestants, et Toyotomi Hideyoshi commencera à édicter des mesures contraignantes contre le catholicisme et les convertis catholiques (« Kirishitan », 吉利支丹, 切支丹, キリシタン) reconnaissant le Saint Père à Rome. Les Japonais soupçonnent aussi les Espagnols de convertir les Japonais pour ensuite envisager une conquête militaire de l'archipel comme en Amérique latine. L'« union ibérique » entre les couronnes espagnole et portugaise entre 1580 et 1640 sous la houlette des Habsbourg accentue aussi cette méfiance, auquel s'ajoute la concurrence entre les congrégations franciscaine et jésuite.
En 1587, Toyotomi Hideyoshi décide l'expulsion du pays des missionnaires catholiques. 26 Chrétiens - la plupart japonais - sont crucifiés à Nagasaki, 137 églises sont démolies et les missionnaires jésuites sont expulsés du Japon. Nagasaki est alors la plus grande ville chrétienne du Japon, comptant une dizaine d'églises et de nombreuses institutions catholiques.
Mais en Europe, l'Angleterre a détruit l'invincible armada espagnole en 1588, les Provinces-Unies se sont libérées du joug espagnol et vont bientôt commercer avec le Japon. En 1600 déjà, un navire hollandais piloté par l'Anglais William Adams arrive au Japon et fait un état des lieux différend de l'Europe en comparaison de celle décrite par les Catholiques espagnols et portugais.
En 1622 a lieu le Grand martyre de Nagasaki avec l'exécution de 52 Chrétiens à Nagasaki. 22 sont brûlés vifs, les autres sont décapités. Tous seront béatifiés par le pape Pie IX en 1867, en compagnie des martyrs exécutés précédemment déjà à Nagasaki.
En 1637 a lieu la grande rébellion de Shimabara. Les populations souffrent économiquement à cause de la fermeture du pays imposé par le shogunat Tokugawa. Les daimyōs locaux de l'île de Kyūshū, convertis comme beaucoup de leurs sujets au christianisme, en plus de voir leurs revenus chuter considérablement à cause des restrictions commerciales dans ces provinces tournées vers la mer, sont déjà suspects aux yeux du pouvoir central puisqu'ils ont le statut de « tozamas », s'étant soumis aux Tokugawa seulement après la bataille de Sekigahara en 1600.
De nombreux rōnins viennent se joindre aux populations locales, excédées par la faiblesse de l'activité économique, les impôts mais aussi les persécutions religieuses contre les Chrétiens. Les rebelles, au nombre de plusieurs dizaines de milliers de personnes, s'emparent de la forteresse désaffectée de Hara et organisent leur défense.
Les premiers assauts contre la forteresse s'avèrent être infructueux. L'envoyé du shōgun fera appel aux navires hollandais pour canonner la forteresse pendant plusieurs jours afin d'affaiblir les défenses. Un assaut est ensuite mené avec succès le 12 avril 1638. Les insurgés sont pratiquement tous tués et le château est rasé.
En 1639, l'accès au Japon est encore plus contraignant pour les étrangers. 57 membres de l'équipage d'un navire portugais sont ainsi passés au fil de l'épée en 1640. Seuls quelques membres capables de faire naviguer le navire sont autorisés à regagner le comptoir portugais de Macao en guise de messagers. Les Hollandais protestants bénéficient cependant encore de conditions commerciales privilégiées.
En 1825 sera proclamé l'édit d'expulsion des étrangers (異国船無二念打払令 « Ikokusen Muninen Uchiharairei », « intransigeant avec les navires étrangers »). L'édit durera jusqu'en 1842. Cependant, les études hollandaises ou « rangaku » continueront d'être enseignées, parfois clandestinement. Les fiefs japonais du Sud-Ouest se doteront de défenses côtières contre les intrusions occidentales, et les fiefs de Saga et de Chōshū disposeront même en 1852 de hauts fourneaux artisanaux capable de produire des armes à feu.
3/ La fin du shogunat et la guerre de Boshin
L'arrivée des bateaux noirs du commodore étasunien Perry en 1853 puis 1854 mettent définitivement fin à la politique isolationniste du shogunat Tokugawa et portent un coup terrible au prestige du régime. L'expédition étasunienne contraint en effet le Japon à ouvrir des ports et à entretenir des relations commerciales avec les États-Unis - qui ont acquis tout le Sud-Ouest de leur territoire après une guerre illégale remportée contre le Mexique en 1846.
Les Américains disposent désormais d'une importante façade sur le Pacifique et sont intéressés par le commerce de la baleine ainsi que par les ports japonais, permettant aux navires étasuniens commerçant avec la Chine de faire escale et de se ravitailler avant de traverser l'océan Pacifique.
L'Empereur, auquel le shogunat avait demandé son avis, s'opposera catégoriquement aux traités avec les Occidentaux. Les contestataires des traités trouveront ainsi un point de cristallisation autour duquel les forces anti-shogunales vont pouvoir se rassembler.
L'opposition se rassemble derrière le slogan xénophobe « jō-i » (expulser les barbares). Mais elle est très vite débordée par des opposants issus des fiefs du Sud-Ouest qui déclarent ouvertement vouloir « faire tomber le bakufu » (tōbaku). Bientôt c'est cette fois le mot d'ordre « vénérons l'Empereur » (sonnō) qui se prononcera pour le rétablissement de l'Empereur comme figure de proue du futur régime.
Le shogunat est aussi fortement contesté dans sa structure même, on lui reproche, en particulier la classe des marchands, d'être un appareil bureaucratique sclérosé incapable de se réformer et désormais incapable d'assurer la sécurité publique face aux émeutes de plus en plus fréquentes. Les puissants fiefs tozamas du Sud-Ouest de l’archipel (Satsuma, Chōshū et Tosa) mènent la révolte, souhaitant abattre le shogunat pour faire du commerce et moderniser le Japon.
L'autorité du shogunat est toujours plus mise à mal par les concessions commerciales permanentes accordées aux Occidentaux (la convention de Kanagawa est signée en 1854 entre les États-Unis et le Japon, de nombreux autres traités suivront). Ces derniers disposent par la suite de concessions extraterritoriales, de ports servant à abriter des navires de guerre, d'un droit de regard sur les taxes des produits importés dans l'archipel, mais aussi sur le cours de l'or. La population japonaise est de plus en plus paupérisée et les révoltes deviennent fréquentes.
Le « bakumatsu » (幕末, bakumatsu, « fin de gouvernement ») est le nom de la période spécifique correspondant à la fin du shogunat Tokugawa. Cette période trouble voit les nationalistes pro-impériaux ou « ishin shishi » (維新志士) s'opposer aux forces shogunales. D'autres factions et clans profitèrent de la confusion ambiante pour accroître leur pouvoir, notamment les revanchards daimyōs tozamas (déchus depuis la bataille de Sekigahara perdue par l'armée de l'Ouest, d'abord conservateurs et anti-modernistes, ils se rallieront ensuite à une politique d'ouverture autour de l'Empereur) et les anti-occidentaux apparus après les traités inégaux signés (dont le mot d'ordre est « sonnō jōi » : « révérer l'Empereur, expulser les barbares »).
La lutte entre traditionalistes (réfractaires à tout changement et favorables aux techniques ancestrales japonaises) et modernistes (partisans de l'étude approfondie de la technologie occidentale afin de mieux les repousser) est désormais caduque, le rattrapage technologique est désormais nécessaire pour les Japonais, reste à savoir par quel moyen et autour de quelle structure politique.
Le Japon entreprit également la construction d'un centre d’entraînement naval à Nagasaki. Achevé en 1855, il était situé à proximité de l'enclave commerciale hollandaise de Dejima. Ce sont des officiers de la marine hollandaise qui seront chargés de faire l'instruction aux marins japonais. Le centre sera ensuite transféré à Edo en 1859 (les Hollandais ne souhaitant pas continuer une entreprise pouvant les compromettre aux yeux des autres Occidentaux, et le bakufu préférant aussi rapprocher cette institution de la capitale shogunale, jugeant la ville de Nagasaki trop près des forces potentiellement anti-Tokugawa).
Les incidents entre Occidentaux et Japonais sont de plus en plus fréquents dans les années 1860, en particulier depuis l'incident de Namamugi en 1862 (le britannique Charles Lennox Richardson sera tué). Le bakufu était enclin à négocier et à verser une compensation financière de 100 000 £ mais la province de Satsuma refusa de payer et de livrer les deux samouraïs coupables de l'assassinat.
En contravention de son statut de quasi neutralité dans les affaires publiques, l'Empereur Kōmei (孝明天皇, Kōmei-tennō, 1831–1867) prend une décision politique majeure en 1863 : l'édit d'expulsion des barbares (étrangers) du pays (攘夷実行の勅命, « jōi jikkō no chokumei »). Soutenu par les puissants fiefs du Sud-Ouest et mis sous pression, le shōgun est obligé d’emboîter le pas à l'Empereur et d'édicter la fin des relations avec les étrangers.
En 1864 a lieu aussi sur le plan intérieur la rébellion de Mito (水戸幕末争乱, « Mito bakumatsu sōran ») près du mont Tsukuba. Elle sera réprimée par le shogunat qui devra s'y prendre à deux fois pour venir à bout de la révolte.
La réponse occidentale aux velléités de fermeture du pays malgré les accord signés ne se fera pas attendre. Ce sont les États-Unis, pourtant empêtrés dans la guerre de sécession, qui frapperont les premiers en juillet 1863 avec l'attaque de la frégate étasunienne « Wyoming » dans la baie de Shimonoseki. Des navires marchands étasuniens mais aussi des navires de guerre français et hollandais participeront aussi à l'expédition.
Toujours à Shimonosek sera entamée une autre expédition navale internationale en août 1863 comprenant des navires étasuniens, britanniques, français et hollandais.
En août 1863 le bombardement de Shimonoski vient clore cette campagne de représailles à Shimonoseki contre le clan Mōri. Les frégates françaises « Tancrède » et « Dupleix » bombardent la ville et une force de 250 hommes menée par le capitaine Benjamin Jaurès débarquent et détruisent des pièces d'artillerie.
Les Britanniques enverront une flotte à Kagoshima en août 1863 pour faire appliquer leur demande de punition contre les deux samouraïs coupables de l'assassinat de Charles Lennox Richardson. Après des tirs de la défense côtière, la marine britannique ripostera en bombardant la ville de Kagoshima, causant la destruction de 500 habitations.
Le shogunat sera contraint de payer une indemnité de 3 millions de dollars ou alors d'ouvrir un port de la mer intérieure du Japon aux commerce international. Le shogunat optera pour la deuxième solution et donnera un accès aux navires étrangers dans le port de Hyōgo.
Le shogunat lancera une deuxième expédition en représailles en juin 1866 contre le clan Mōri dans la région de Chōshū (la première n'avait pas donné lieu à un combat) afin de le punir contre leur refus de payer l'indemnité imposée par les Occidentaux et les punitions occidentales qui en ont découlées. Mais cela s'avérera être un désastre militaire face à un clan Mōri mieux équipé. Cette défaite concédée entamera encore un peu plus le prestige du shogunat.
Contraint par la force de renoncer à son isolationnisme et conscient de son retard technologique structurel, le bakufu envoie des émissaires en Europe dès 1958 afin de demander une coopération militaire et tenter de rattraper son retard technologique sur l'Occident. La renégociation des traités commerciaux illégaux imposés par l'Occident sera d'ailleurs le leitmotiv principal des dirigeants japonais à partir de l'ère Meiji.
Pourtant très affaibli par les représailles militaires occidentales, le shogunat établit cependant avec Napoléon III une coopération militaire en reçevant une première mission militaire française au Japon en 1867, deuxième coopération militaire européenne après la coopération avec les pays-Bas dans les années 1850.
Le capitaine Charles Sulpice Jules Chanoine dirige cette mission comprenant des instructeurs d'infanterie, d'artillerie et de cavalerie, des artificiers ou encore des ingénieurs. La mission française embarque à Marseille le 19 novembre 1866 et arrive à Yokohama le 14 janvier 1867.
Les Français seront aussi chargés de construire des arsenaux militaires à Yokosuka et Nagasaki. L'ingénieur Léonce Verny sera à son tour envoyé au Japon en 1865. D'autres spécialistes français le rejoindront et l'aide française se prolongera jusqu'en 1876, soit bien après la chute du bakufu. Le navire « Yokosuka-maru » sera le premier bateau de guerre à sortir du nouvel arsenal de Yokosuka en novembre 1866.
Les abandons de souveraineté cédés aux Occidentaux par le shogunat finissent par rassembler de plus en plus de daimyōs et de samouraïs. La rébellion se rassemble autour de la figure impériale - protégée par les Britanniques - et se cristallise en particulier dans les riches domaines tozamas du Sud-Ouest : Chōshū, Satsuma et Tosa. L'objectif pour beaucoup est désormais de faire tomber définitivement le shogunat et de restaurer l'empire.
Le domaine de Chōshū était régi par le clan Mōri et estimait avoir été injustement lésé par Tokugawa Ieyasu après la bataille de Sekigahara en 1600 (le domaine du clan sera transféré de Aki à Nagato et passera de 1 200 000 à 369 000 kokus), malgré les nombreux gages apportés par le clan à l'époque (nombreuses défections et inactivité volontaire des troupes selon des accords secrets passés avec Tokugawa Ieayasu, alors que le clan Mōri était dans le camp adverse).
Conscient du nouveau rapport des forces, les Anglo-saxons, autrefois partenaires privilégiés du shogunat, vont changer de camps et approvisionner en armes, en matériel et fournir des instructeurs au domaine de Satsuma notamment, en misant cette fois sur une victoire des forces pro-impériales. Les Japonais avaient été impressionnés par la victoire anglaise contre la Chine lors de la guerre de l'opium, mais la France était encore auréolée de ses victoires lors de la guerre de Crimée contre l'ennemi russe.
En 1866, le shōgun Tokugawa Iemochi et l'Empereur Kōmei meurent. Tokugawa Yoshinobu et l'Empereur Meiji leur succèdent. Tokugawa Yoshinobu renonce au shogunat et abdique en octobre 1867, en espérant jouer un rôle dans le futur gouvernement national, mais certains fiefs du Sud-Ouest souhaitent l'évincer définitivement (Satsuma et Chōshū). Le 3 janvier 1868, le jeune Empereur Meji déclare la restauration de ses pleins pouvoirs. L'assemblée consultative impériale réunit semble vouloir en rester là, mais Saigō Takamori (domaine de Satsuma) exhorte la fin du shogunat et la dépossession de Tokugawa Yoshinobu de ses terres.
Le 24 janvier 1868, des troupes du shogunat se rendent dans la capitale impériale Kyōto occupée par les forces de Chōshū et Satsuma. Les deux armées se rencontrent lors de la bataille de Toba-Fushimi (鳥羽・伏見の戦い, « Toba-Fushimi no Tatakai »). L'armée impériale de 5 000 hommes fait face à 15 000 soldats shogunaux mais dispose toutefois d'un armement moderne, de canons et même de mitrailleuses. La bataille se solde par une défaite des forces shogunales.
À l'occasion de cette première bataille, les forces pro-impériales ont sorti des étendards impériaux préparés à l'avance et ont nommé le prince impérial Yoshiaki à la tête de leur armée. Les soldats shogunaux n'ont pas su immédiatement que l'étendard impérial avait été arboré, mais une fois la nouvelle connue, l'impact psychologique a été certain sur le moral des troupes Tokugawa.
Sur mer, un bref combat naval a lieu lors de la bataille d'Awa le 28 janvier 1868, au large d'Osaka, entre les forces shogunales et pro-impériales. Pendant cette bataille servait comme canonnier à bord du « Kasuga » le futur amiral Tōgō Heihachirō, vainqueur des Russes à Tsushima en 1905.
Après plusieurs jours de combat, les forces shogunales sont obligées de se replier. Elles se dirigent d'abord vers le château de Yodo mais le daimyō, leur refuse l'accès. L'armée shoguale est obligée de se rendre au château d'Osaka. Tokugawa Yoshinobu s'enfuira du château pendant la nuit et se réfugiera à bord du vaisseau étasunien « USS Iroquois », avant d'embarquer à bord du « Kaiyō Maru » et de rejoindre Edo. Apprenant la fuite de leur chef, les troupes shogunales abandonnent également le château d'Osaka aux mains des forces pro-impériales. La perte de cette place stratégique est un coup pratiquement fatal pour le prestige du shogunat qui a d'ores et déjà perdu cette guerre.
le ressentiment des Japonais envers les étrangers est toujours brûlant. Le 8 mars 1868, onze marins français de la frégate « Dupleix » sont tués par des samouraïs de Tosa lors de l'incident de Sakai. Le 23 mars 1868, la délégation britannique de Sir Harry Parkes est attaquée dans les rues de Kyōto.
Les forces impériales progressent désormais rapidement vers Edo en s'emparant de plusieurs forteresses importantes, aidées en cela par les nombreuses défections dans le camp shogunal. Malgré une forte résistance du corps d'élite shogunal « shōgitai », les forces shogunales doivent abandonner Edo peu de temps après la bataille d'Ueno le 4 juillet 1868.
Le ministre shogunal Katsu Kaishū négocie alors une reddition avec les forces impériales et permet d'éviter toute effusion de sang dans la capitale shogunale Edo. Les accords stipulent que le clan Tokugawa doit subsister et que Tokugawa Yoshinobu doit avoir la vie sauve. Après la chute d'Edo, l'Empereur Meiji quitte bientôt Kyōto pour Tōkyō ( « capitale de l'est »), la nouvelle capitale impériale désormais.
Le responsable de la marine shogunale Enomoto Takeaki refuse cependant de capituler. Il ne livre que 4 navires aux impériaux et trouve refuge vers le nord de l'archipel avec 8 navires et 2 000 soldats, dont plusieurs instructeurs français qui ont choisi d'accompagner les rebelles, les Français n'appartenant plus à l'armée française étant donné leur violation des accords de neutralité signés par les Occidentaux à l'égard des deux belligérants au cours du conflit.
Après avoir battu les forces shogunales lors de la bataille du col de Bonari (母成峠の戦い), les forces impériales les affrontent à nouveau victorieusement lors de la bataille d'Aizu (会津戦争) et de de Noheji (野辺地戦争, Noheji sensō). L'armée shogunale est contrainte de se réfugier sur l'île septentrionale d'Hokkaidō.
Sur l'île d'Hokkaidō , les forces shogunales ont proclamé la république d'Ezo et se sont emparées de la forteresse du Goryokaku, dont le daimyō était resté fidèle au nouveau gouvernement Meiji. Les troupe républicaines sont désormais assiégées dans la forteresse dans laquelle les instructeurs français organisent la défense. Les brigades sont commandées par des Français et le commandement de l'armée est assuré conjointement par des Japonais et des Français.
Sur mer, les républicains tentent une opération audacieuse en voulant s'emparer du fleuron de la marine impériale : le « Kōtetsu », mais l'opération se solde finalement par une nouvelle défaite lors de bataille de la baie de Miyako (宮古湾海戦, « Miyakowan Kaisen ») le 6 mai 1869.
Les défenseurs se battent avec acharnement lors de la bataille de Hakodate (octobre 1868 à mai 1869) mais sont submergés par les assaillants. Une nouvelle victoire navale des impériaux vient clore la guerre de Boshin. Les militaires français seront exfiltrés par la frégate française « Coëtlogon », ils gagneront Yokohama puis rejoindront ensuite la France. Jules Brunet ne sera pas sanctionné et réintégrera l'armée française avant la guerre de 1870.
Plusieurs figures shogunales, dont Enomoto Takeaki et Katsu Kaishū, furent réhabilitées et connurent par la suite une brillante carrière durant l'ère Meiji. Katsu Kaishū prôna l'union sacrée du Japon avant la guerre de Boshin et fit tout pour éviter cette guerre civile, arguant que cela ne ferait que profiter aux Occidentaux. Il accompagna le dernier des shoguns, Tokugawa Yoshinobu, lorsqu'il fut banni à Shizuoka (静岡県, Shizuoka-ken)
La France s'était ainsi largement engagée aux côtés du shōgun, mais le Japon impérial ne lui en tiendra pas rigueur, et malgré la défaite de Sedan et la chute de l'empire en 1870, le Japon continuera à coopérer étroitement avec la France durant l'ère Meiji, afin d'amoindrir la prépondérance anglo-saxonne. Une collaboration avec la puissante Angleterre est également en vigueur et a d'abord comme objectif de contrecarrer les velléités expansionnistes de la Russie au nord du Japon.