éternel Japon

embleme famille impériale
-- L'Empire du soleil levant --

icone siteLe temps des grandes batailles (1336-1600)

Sommaire :


1/ Le bakufu de Muromachi (1336-1573)

En 1338, Ashikaga Takauji (1305-1358) devient shōgun et établit son gouvernement militaire à Muromachi, un faubourg de la ville de Kyōto ; c'est pour cette raison que le shogunat Ashikaga correspond à la période historique dite de « Muromachi ».

ashikaga takauji
Ashikaga Takauji (1305-1358)
mon ashikaga
Mon du clan Ashikaga

En 1394, le troisième shōgun, Ashikaga Yoshimitsu (1368-1394), unifia les deux cours du nord et du sud, mettant ainsi fin à une guerre larvée qui avait duré près de soixante ans. Il favorisa la cour du nord qui seule put désormais décider de l'intronisation des futurs empereurs.

ashikaga yoshimitsu
Ashikaga Yoshimitsu (1368-1394)
pavillon or kinkaku ji
Le « Kinkaku-ji » (金閣寺, « Temple du Pavillon d'or ») ou « Rokuon-ji » (鹿苑寺, « temple impérial du jardin des cerfs ») à Kyōto, construit par Ashikaga Yoshimitsu pour sa retraite, restée active malgré sa démission de son poste de shōgun en 1394.

Le shogunat Ashikaga se caractérise par une décentralisation importante et un pouvoir accru accordé aux daimyos (grands seigneurs provinciaux). De plus, le territoire personnel des Ashikaga est relativement peu important et les Ashikaga apparaissent comme très dépendants de la loyauté de leurs vassaux. Cependant, la proximité du quartier général Ashikaga avec la cour impériale permet une plus grande main-mise sur l'administration centrale, compensant ainsi les pertes financières causées par le renforcement des daimyōs provinciaux.

residence ashikaga
Entrée de l'ancienne résidence du clan Ashikaga à Kyōto.

2/ La guerre d'Ōnin (1467-1477) et les débuts du Gekokujo

Le huitième shōgun, Ashikaga Yoshimasa (1436-1490), artiste dans l'âme, à la tête d'un shogunat déjà affaibli, ne put empêcher une guerre menée par les daimyōs contre le gouverneur militaire, puis par extension, à une guerre d'influence entre grands clans de l'ouest de l'archipel.

Tout avait commencé après un revirement quand à sa succession. Sans enfant mâle, Ashikaga Yoshimasa s'était résigné à désigner comme son successeur son jeune frère Ashikaga Yoshimi (1439-1491).

ashikaga yoshimi
Ashikaga Yoshimi, frère du shōgun Ashikaga Yoshimasa.

Mais tout fut bouleversé lorsque Hino Tomiko, la femme d'Ashikaga Yoshimasa, accoucha finalement d'un garçon. Une guerre de succession eut lieu entre le clan Ashikaga et la belle famille du shōgun, qui n'eurent pratiquement aucun lien de parenté susceptible d’atténuer les tensions. À cela s'ajoute des luttes d'influence durables et anciennes entre différents clans (Yamana, Hosokawa, Shiwa et Hatakeyama notamment), chacun prenant parti et se positionnant pour l'un ou l'autre des héritiers : la guerre d'Ōnin pouvait commencer. Ce sont les clans Hosokawa et Yamana qui prendront chacun les commandes des deux coalitions.

hosokawa katsumoto yamana sozen
État des lieux entre les forces de Hosokawa Katsumoto (rose) et celles de Yamana Sōzen (vert) en 1467
mon hosokawa
Mon du clan Hosokawa
mon yamana
Mon du clan Yamana

Le conflit commence dans la ville de Kyōto où les trois premiers mois causent de terribles ravages dans la ville. Les forces de Hosokawa Katsumoto (de l'« Est »), environ 160 000 hommes venant de vingt-quatre provinces, affrontent principalement les forces de Yamana Sōzen (de l'« Ouest »), rassemblant 90 000 hommes issus de vingt provinces (cette guerre a aussi pour origine une lutte de succession dans le clan Hosokawa puisque Yamana Sōzen est le beau-père de Hosokawa Katsumoto). Les forces de Yamana Sōzen parvenant à contrôler sept portes sur les huit que comptaient alors la ville impériale de Kyōto.

stele guerre onin
Stèle marquant l'emplacement du commencement de la guerre d'Ōnin, temple de Kamigoryō-jinja, préfecture de Kyōto.

Mais avec l'effondrement de l'autorité shogunale, le conflit s'étendit bientôt aux régions avoisinantes, et bientôt à tout l'ouest du japon. Des seigneurs locaux profitant parfois de cette occasion pour régler des différents personnels et agrandir leur territoires, et donc leurs revenus.

Dans ce chaos général, il existait un mouvement de rébellion sociale : le « Gekokujō », qui signifie « monde sens dessus dessous » ou « monde à l'envers » ou « les plus faibles gouvernent les plus forts ». Il voit se former des communautés de paysans (« ikki ») excédées par les impôt et les dettes contractées, et se défendant contre les pillards écumant les régions de moins en moins bien contrôlés par les autorités. Ces communautés de paysans et parfois de samouraïs se rebelleront même parfois contre leur gouverneur de province.

guerre onin
Guerre d'Ōnin

La province de Yamashiro verra même les communautés paysannes associées à de petits samouraïs mettre à bas le clan Hatakeyama et s'emparer du pouvoir. Elles nommeront trente-six représentants locaux et gouverneront pendant une dizaine d'années.

Un autre type de révolte issu du bouddhisme vit le jour : « jōdo shinshū ». Le mouvement réussit à s'allier au seigneur local Togashi Masachika pour former un mouvement « Ikkō-ikki » (« la ligue unifiée »). Il finirent par renverser Togashi Masachika en 1488, établirent un gouvernement provincial et construisirent un monastère fortifié : « Ishiyama Honganji », à l'emplacement actuel du château d'Osaka. Les fidèles bouddhistes composant ce mouvement ont remporté de nombreux succès militaires, convaincus qu'ils étaient qu'ils iraient directement au paradis si ils mourraient au combat.

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Bataille de la guerre d'Ōnin.

Les changements permanents d'alliance entre clans continuèrent de plus belle, et malgré l'abdication du shōgun Ashikaga Yoshimasa en faveur de son fils Yoshihisa, ainsi que la mort des deux chefs de coalition Hosokawa Katsumoto et Yamana Sōzen, la guerre ne s'arrêta pas pour autant. On a cependant choisi arbitrairement le départ de Kyōto de l'armée de l'Ouest, commandée dorénavant par Ochi Masahiro, comme marqueur pour indiquer la fin de la guerre d'Ōnin. La période tout aussi chaotique lui faisant suite sera nommée période Sengoku (戦国時代, « sengoku-jidai ») ou « époque des pays en guerre », et ne s'achèvera qu'au début du 16ème siècle.

bataille sengoku
Bataille de la période Sengoku.

Les Ashikaga perdront finalement la guerre d'Ōnin mais conserveront leur place à la tête du shogunat. Les vainqueurs de la guerre, le clan Hosokawa, préférant exercer le pouvoir réel tout en maintenant un shōgun Ashikaga fantoche à la tête du bakufu. Le clan Hosokawa conservera le contrôle du shogunat jusqu'en 1558.

3/ La période Sengoku (1477-1573)

L'époque Sengoku (戦国時代, « sengoku-jidai », littéralement « époque/ère des provinces en guerre », en référence à la période des Royaumes combattants chinois) est une époque de l'histoire du Japon parsemée de luttes claniques et de jacqueries paysannes incessantes. Les liens de vassalité rompus à l'égard du shōgun ainsi que le foisonnement de révoltes de samouraïs de basse extraction firent que l'on désigne cette période bouleversée par « gekokujō » (« monde sens dessus dessous » ou « monde à l'envers » ou « les plus faibles gouvernent les plus forts »). Le shōgun est très fragilisé au détriment des puissants daimyōs (grands seigneurs), pouvant parfois se constituer de puissantes principautés indépendantes du pouvoir central, mais aussi au profit de petits seigneurs locaux ou d'anciens administrateurs de domaines.

clan hosokawa
Clan Hosokawa en 1506 (le mon est ici celui des Ashikaga, les Hosokawa étant une branche du clan Ashikaga).

Les Imagawa, les Takeda, les Ōtomo et les Shimazu sont par exemple des familles claniques disposant auparavant de la charge de « shugo » (守護, gouverneur militaire d'une province), accordé par le shōgun.

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Clan Imagawa en 1552
clan takeda
Clan Takeda en 1572
clan otomo
Clan Ōtomo en 1569
clan shimazu
Clan Shimazu en 1586

Les Oda ou les Nagao étaient quant à eux étaient d'anciens « shugodai », (守護代, « prévôts », délégués représentant dans leur province les shugo). La famille Oda avait profité des absences prolongées de leurs anciens maîtres Shiba - qui devaient séjourner longuement dans la capitale - pour se rebeller et les évincer du pouvoir.

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Clan Oda en 1582
clan nagao
Clan Nagao en 1560

Certaines grandes familles samouraïs provinciales parvinrent également à s'emparer par la force du titre de daimyō, c'est le cas des Mōri (qui évincèrent leurs anciens maîtres Ōuchi) ou encore des Matsudaira (futurs Tokugawa).

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Clan Mōri en 1568
clan ouchi
Clan Ōuchi en 1542
clan tokugawa
Clan Tokugawa (Tokugawa Ieyasu deviendra shōgun du Japon en 1603).

Enfin, certains samouraïs sans emploi comme les Hōjō ou les Saitō réussirent l'exploit de s'élever également au rang de daimyō.

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Clan Hōjō en 1583
clan saito
Clan Saitō en 1548

Les combats du début de l'époque Sengoku ressemblaient plus à des escarmouches qu'à autre chose. Les daimyōs profitaient de l'incurie des pouvoirs impérial et shogunal pour agrandir prudemment leurs territoires et donc leurs ressources financières.

Il est intéressant de noter que ce n'est qu'à l'époque Edo (1600-1867) qu'ont été créés les récits de batailles héroïques datant de l'époque Sengoku. De la même manière, le fameux code d'honneur et de loyauté des samouraïs, édicté lui aussi à l'époque Edo, a été élaboré sur des critères qui n'avaient pas vraiment cours à l'époque Sengoku, période trouble où les revirements et les changements d'alliance étaient monnaie courante, les familles de samouraïs brisant constamment les liens de vassalité pouvant exister.

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Émiettement du territoire japonais en 1520.

Les seigneurs de la guerre régionaux devaient aussi composer avec les puissants groupes religieux composés de moines-soldats, de petits samouraïs, de personnel attaché à l'entretien du temple, ou d'artisans et d'ouvriers. Le plus connu fut le « Jōdo-Shinshū » (浄土真宗, « École véritable de la Terre pure ») ou « Ikkō-shū » (一向宗, émanation militante du bouddhisme Jōdo Shinshū), communauté située à Osaka. Ces soldat seront notamment réputés pour leur fanatisme guerrier et leur excellente utilisation des fusils à mèche introduits par les Portugais au 16ème siècle. Des communautés paysannes se réclameront aussi du mouvement Ikkō-shū dans les régions Kaga, Etchu, Osaka et Mikawa, et se révéleront des adversaires tenaces pour les daimyōs.

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Territoire japonais en 1540 (en rouge et au centre : celui d'Oda Nobunaga).

Les trois unificateurs du Japon : Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi et Tokugawa Ieyasu ont tous trois porté des noms différents au cours de leurs vies. Un daimyō pouvait changer de nom lorsqu'il prenait le contrôle d'un nouveau territoire ou qu'il remportait une bataille. Pour des raisons de facilité, nous utiliserons toujours leur noms avec lesquels ils sont restés dans la postérité. Tout en respectant l'usage qui veut que l'on place le nom de famille avant le prénom. Cet usage sera valable jusqu'à l'ère Meiji.

4/ Oda Nobunaga (織田 信長, 1534-1582)

Oda Nobunaga (1534-1582) est considéré comme l'un des trois unificateurs du Japon, mettant un terme à la période mouvementée du Sengoku et à ses décennies de guerres intestines entre clans rivaux. Anciens vassaux du clan Shiba, les fonctionnaires Oda avaient évincé du pouvoir leurs suzerains, en déplacement à Kyōto pendant la guerre d'Ōnin. En 1551, après la mort de son père, Oda Nobunaga a 17 ans lorsqu'il hérite du pouvoir et devient seigneur d'Owari. Il rentre en fonction dans un clan Oda très divisé et il s’aliène une partie du clan après avoir commis un acte sacrilège lors de la cérémonie funéraire de son père. Il arrive toutefois à forger des alliances et à éliminer toute opposition au sein du clan.

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Oda Nobunaga (織田 信長, 1534-1582).
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Mon de Oda Nobunaga (clan Oda).
japon 1550
Territoire japonais en 1550 (en rouge et au centre : Oda Nobunaga, en violet : Imagawa Yoshimoto).

En 1560, Imagawa Yoshimoto (1519-1560), un puissant daimyō à l'est de son territoire, attaque la frontière sud du territoire d'Owari à la tête d'une armée de 25 000 hommes. Oda Nobunaga n'a que 3 000 hommes à lui opposer. L'objectif d'Imagawa Yoshimoto était de sécuriser les trois châteaux d'Owari (Kutsukake, Odaka et Narumi), qui venaient de passer sous la coupe d'Oda Nobunaga mais qui se trouvaient dans le domaine d'un de ses vassal : Matsudaira Motoyasu (le futur Tokugawa Ieyasu).

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Imagawa Yoshimoto (1519-1560)

Le 19 mai 1560, 2 000 samouraïs de Oda Nobunaga arrivèrent à la forteresse de Nakajima dans l'après-midi. Les forces d'Imagawa Yoshimoto se sont déjà emparées de plusieurs places fortes. Oda Nobunaga souhaite attaquer immédiatement, pensant à tord que ses adversaires sont épuisés par les combats précédents.

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Territoire japonais en 1560

L'attaque initiale d'Oda Nobunaga ne devait être qu'une escarmouche susceptible simplement de ralentir l'avancée ennemie en cas de succès. Il était d'usage à l'époque de préserver ses soldats et de ne pas les exposer inutilement face à un ennemi plus nombreux. Les circonstances vont cependant en décider autrement.

plan bataille okehazama
Itinéraires suivis par les deux armées avant l'affrontement à Okehazama.

La bataille d'Okehazama en 1560 commença au pied du mont Okehazama. Lorsque les samouraïs d'Oda Nobunaga arrivèrent, une violente tempête éclata derrière eux, aveuglant l'avant-garde d'Imagawa Yoshimoto. Les lignes d'Imagawa Yoshimoto se désagrégèrent devant l'avance pourtant prudente des samouraïs d'Oda Nobunaga. Ce dernier donna alors l'ordre de charger, et attaqua même en compagnie de son garde du corps les 300 gardes du daimyō ennemi lorsqu'ils aperçurent le drapeau de Yoshimoto. Ce dernier fut tué par les samouraïs Hattori Koheita et Mōri Shinsuke.

bataille okehazama
Bataille d'Okehazama
bataille okehazama memorial
Mémorial à l'emplacement de la Bataille d'Okehazama, Nagoya, préfecture d'Aichi.

La première intervention militaire occidentale aux côtés des Japonais fut pendant le siège de Moji en 1561. Ōtomo Sōrin souhaita s'emparer du château de Moji appartenant au clan Mōri. Il s'appuya sur l'artillerie embarquée de trois navires portugais mais ne parvint cependant pas à percer les défenses du château.

site chateau moji
Site de l'ancien château de Moji.

En 1565 eut lieu la première bataille navale entre Européens et Japonais lors de la bataille de la baie de Fukuda. Le daimyō Matsura Takanobu attaqua deux navires marchands portugais. Cette bataille se solda par un échec japonais et la perte de trois jonques de guerre ainsi que 70 hommes. Les Portugais eurent huit hommes tués dans les combats. Le daimyō avait d'abord accueilli favorablement les missionnaires accompagnant les marchands portugais mais le prosélytisme des missionnaires - ayant brûlé des images représentant Boudha - aurait irrité Matsura Takanobu. Les Japonais ne purent qu'admettre la supériorité occidentale en matière d'armement.

navire japonais seki
Navire japonais de classe « seki » au 17ème siècle.

En 1567, Oda Nobunaga fait alliance avec Matsudaira Motoyasu (1543-1616) et défait Saitō Tatsuoki (1548-1573) dans la province de Mino (Nagoya), s'emparant des terres et se rapprochant un peu plus de la capitale impériale Kyōto ; le daimyō contrôlant Kyōto étant perçu comme le véritable shōgun du Japon durant cette période troublée. Le jeune frère Ashikaga Yoshiaki du shōgun fantoche Ashikaga Yoshihide viendra ensuite demander asile à Oda Nobunaga.

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Saitō Tatsuoki (1548-1573)

Oda Nobunaga entre dans Kyōto en 1568 à la tête de 60 000 hommes pour placer le jeune Ashikaga Yoshiaki (1537-1597) à la tête du shogunat. L'objectif d'Oda Nobunaga était surtout de contrôler la cité impériale et la région centrale stratégique du Kinki.

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Ashikaga Yoshiaki, dernier shōgun de la dynastie Ashikaga.

En 1570, Oda Nobunaga attaqua Asakura Yoshikage mais fut pris à revers par Asai Nagamasa - pourtant allié de Oda Nobunaga mais qui n'apprécia pas de ne pas avoir été prévenue de l'attaque contre Asakura Yoshikage -. Oda Nobunaga dispersa son armée en petits groupes épars et se replia à Kyōto. En juillet 1570, accompagné de ces deux généraux Toyotomi Hideyoshi et Tokugawa Ieyasu, Oda Nobunaga vainquit Asakura Yoshikage et Asai Nagamasa lors de la bataille d'Anegawa. Une trêve de trois ans est finalement conclue.

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Territoire japonais en 1570 avant la bataille d'Anegawa (en rouge et au centre : Oda Nobunaga).

Convaincu que le shōgun manoeuvrait en coulisse contre lui, Oda Nobunaga chassera Ashikaga Yoshiaki de Kyōto et mettra fin au bakufu du clan Ashikaga. Il triomphera définitivement la même année de Asakura Yoshikage et Asai Nagamasa dans la forteresse d'Otani.

Plus au nord, Takeda Shingen traversa en 1572 les terres de Tokugawa Ieyasu (Matsudaira Motoyasu de son vrai nom à cette époque) pour tenter de s'emparer de Kyōto et stopper l'ascension inéluctable d'Oda Nobunaga.

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Takeda Shingen (1521-1573), considéré comme un des meilleurs stratèges de son époque.
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Territoires respectifs occupés par Oda Nobunaga et Takeda Shingen en 1572.

Takeda Shingen vint à bout de Tokugawa Ieyasu à la bataille de Mikatagahara en 1573 dans la plaine de Mikata. Takeda Shingen disposait alors de 30 000 hommes, pratiquement le triple de Tokugawa Ieyasu. Ce dernier espérait beaucoup de ses arquebusiers et de la nouvelle utilisation de ces armes à feu sur les champs de bataille japonais, mais malgré des pertes importantes, les lanciers et cavaliers de Takeda Shingen transpercèrent les lignes adverses et remportèrent la victoire. Takeda Shingen ne put cependant pas profiter de son avantage. Épuisé, il retourne sur ses terres et meurt deux ans plus tard.

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Bataille de Mikatagahara en 1573.

Au nord-est de Kyōto, le grand rival de Takeda Shingen était Uesugi Kenshin (1530-1578). Les deux daimyōs disposaient de ressources équivalentes et aucun ne put faire la différence sur son adversaire. Après la mort de Takeda Shingen, son fils Takeda Katsuyori lui succéda. En juin 1575, il prit le parti d'Ashikaga Yoshiaki qui appelait à la destruction d'Oda Nobunaga. Il déplaça ses troupes à la frontière du territoire de Tokugawa Ieyasu, le vassal et général d'Oda Nobunaga. Devant les mouvements de troupe de son ennemi, Tokugawa Ieyasu demande de l'aide à son suzerain.

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Clan Uesugi en 1454
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Takeda Katsuyori(1546-1582)

L'armée de Takeda Katsuyori commence par faire le siège de la forteresse de Nagashino mais elle échoue à s'en emparer. Peu après, les forces combinées de Tokugawa Ieyasu et d'Oda Nobunaga approchent pour livrer bataille.

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Territoire japonais en 1575 avant la bataille de Nagashino.

Les forces alliées (Nobunaga et Tokugawa) peuvent déployer 30 000 hommes. L'armée de Takeda Katsuyori, réputée pour être la meilleure du Japon, se compose de 15 000 hommes. Malgré leur supériorité numérique, les deux alliés adoptent une stratégie défensive et se cantonnent derrière une tranchée, un mur de terre et une palissade garnies d'archers, de lanciers et d'arquebusiers.

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Le général Sakai Tadatsugo (1527-1596, avec son « sashimono » à tête de mort), lançant ses troupes à l'assaut du château de Nagashino en 1575 pour le compte de Takeda Katsuyori.

On estime que les alliés disposaient de 1 500 arquebusiers, mais là encore, leurs rôles ne furent pas déterminants dans l'issue de la bataille, ces armes à feu étant encore trop lentes à recharger et leurs portées étaient limitées à une centaine de mètres, sans parler de l'épaisse fumée dégagée par les fusils pouvant gêner les tireurs.

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Bataille de Nagashino en 1575.

Le terrain marécageux autour de la rivière Rengogawa ne favorisa pas les charges de l'excellente cavalerie de Takeda Katsuyori, même si désormais les cavaliers-archers ne constituaient plus le gros des troupes des armées comme à l'époque Kamakura.

Une première vague composée essentiellement de sapeurs se lança à l'assaut des positions d'Oda Nobunaga et Tokugawa Ieyasu. Celle-ci fut réduite en pièce par les arquebusiers, mais il s'en fallut de peu que la deuxième vague submerge les lignes alliées. Les défenseurs réussissant finalement à contenir les assauts ennemis, Takeda Katsuyori fit sonner la retraite. Il laissa 10 000 morts parmi ses hommes sur le champs de bataille.

bataille nagashino
Bataille de Nagashino en 1575.

La bataille de Nagashino constitue un tournant dans la campagne d'unification du Japon par Oda Nobunaga, mais le véritable pivot de son ascension reste sa victoire contre les Ikkō-ikki, ces communautés de bouddhistes radicaux dont le quartier général est le monastère fortifié Ishiyama à Osaka. Le temple était capable de rassembler de nombreux samouraïs lorsque l'organisation lançait un appel à la mobilisation. Le mouvement était également composé de marchands, d'artisans ou de fermiers. Le temple était pratiquement indépendant économiquement et Oda Nobunaga souhaitait aussi s'accaparer des riches domaines dont disposait le temple. Très bien commandé, le monastère a résisté pendant une dizaine d'années aux forces pourtant bien supérieures en nombre d'Oda Nobunaga.

oda nobunaga
Oda Nobunaga dessiné par Utagawa Kuniyoshi
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Plan d'Ishiyama (« montagne de pierre », aujourd'hui intégré à la ville d'Ōsaka) abritant le temple principal : le « Hongan-ji ».

Le temple tiendra tête aux deux campagnes menées contre lui et aux 60 000 soldats envoyés par Oda Nobunaga. L'institution religieuse, grâce aux marchands commerçants avec la Chine, pouvait notamment compter sur ses 2 000 arquebusiers « saiga-tsu », les meilleurs du Japon. Outre les arquebuses, souvent d'importation européenne, les marchands de la Mer Intérieure du japon fournissaient aussi aux guerriers la poudre noire chinoise nécessaire à l'utilisation de ces armes. Il faudra la médiation de l'empereur du Japon pour finalement mettre un terme au conflit en 1576.

chateau osaka
Toyotomi Hideyoshi fera bâtir un château à l'emplacement du monastère Hongan-ji.
ishiyama
Premier siège de Nagashima en 1571. Deux autres sièges auront lieu en 1573 et 1574 pour tenter de s'emparer du complexe défensif établi par les Ikkō-ikki le long de la côte Pacifique.

En 1576 encore, Oda Nobunaga commença la construction du château d'Azuchi dans la région d'Omi, près du lac Biwa (le plus grand lac du Japon). Il fit arpenter la terre, abolir certains droits commerciaux et péages sur les routes, et fit construire des routes et des ponts - afin d'affranchir les petits samouraïs obligés de travailler la terre et de pouvoir les mobiliser plus facilement dans ses armées -.

mont azuchi chateau
Le mont Azuchi et son château.
reproduction chateau azuchi
Réplique du château d'Azuchi construit en 1579 sur les rives du lac Biwa et incendié en 1582, préfecture de Shiga.
canal lac biwa
Canal du lac Biwa

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Territoire japonais en 1580

Débarrassés des redoutables Ikkō-ikki, Oda Nobunaga poursuit vers l'ouest en direction du puissant clan Mōri, clan dégageant d'importants revenus du fait de sa position d'intermédiaire commercial entre la Chine et l'archipel, ainsi que sa position sur les rives du très important carrefour commercial qu'était à l'époque la Mer Intérieure du Japon.

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Étendard de bataille du clan Mōri.

Oda Nobunaga envoie son général Toyotomi Hideyoshi mais ce dernier ne parvient à soumettre les Mōri. Oda Nobunaga, séjournant dans son château d'Azuchi, décide de prêter main forte à son général en prend la route de la région Chūgoku en traversant la cité impériale de Kyōto. Cerné par un général félon, Akechi Mitsuhide, Oda Nobunaga est contraint au suicide rituel le 21 juin 1582 alors qu'il faisait halte au temple Honnō-ji à Kyōto. Akechi Mitsuhide aurait peut être agi pour venger la mort de sa mère, dont il imputait la responsabilité à Oda Nobunaga.

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« L'incident Honnō-ji » au cours duquel Oda Nobunaga trouvera la mort.

Oda Nobunaga s'est avéré être un daimyō redoutable, calculateur et assoiffé de pouvoir. Il aura conquis toute la partie centrale du japon contrôlant ainsi tous les axes majeurs de communication terrestre, mais aussi la cité impériale et la plaine stratégique du Kansai. Il aura grandement contribué à mettre fin au morcellement du pays.

tombe oda nobunaga
Tombe de Oda Nobunaga au mont Kōya, préfecture de Wakayama.

5/ Toyotomi Hideyoshi (豊臣秀吉, 1537-1598)

a/ Les conquêtes

Toyotomi Hideyoshi est d'un milieu modeste, son père est un simple soldat « ashigaru » servant dans l'armée d'Oda Nobunaga. Le jeune Toyotomi Hideyoshi s'enfuit de la maison familiale à l'âge de 16 ans et entre comme serviteur chez Matsushita Yukitsuna puis chez Oda Nobunaga. Grimpant rapidement les échelons, il supervise la construction du château de Kiyosu et finit par acquérir le domaine d'Azai Nagamasa, après avoir fait le siège du château d'Odani avec succès en 1573.

toyotomi hideyoshi
Toyotomi Hideyoshi (豊臣秀吉, 1537-1598)
armoiries de toyotomi hideyoshi
Mon de Toyotomi Hideyoshi (clan Toyotomi).
toyotomi hideyoshi odani
Le jeune Toyotomi Hideyoshi à la tête d'un groupe prenant d'assaut le château d'Odani.

En 1582, lorsque Oda Nobunaga décide de soumettre le clan Mōri, c'est le général Toyotomi Hideyoshi qui est chargé de mener à bien la campagne militaire. Il parviendra à s'emparer du fief des Mōri en inondant le château de Takamatsu, mais demandera du renfort à son seigneur pour la suite des opérations. C'est en voulant le rejoindre qu'Oda Nobunaga trouvera la mort.

carte regions japon 1582
Territoire japonais en 1582
toyotomi hideyoshi odani
Le château de Takamatsu inondé par la déviation d'une rivière voisine.

Dès l'annonce de la mort de son suzerain Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi fait la paix avec le clan Mōri (tout en leur cachant la raison réelle et la mort de son suzerain), afin de retourner au plus vite à Kyōto pour punir le félon Akechi Mitsuhide. Toyotomi Hideyoshi arrivera à faire la paix avec les Mōri en utilisant sa victoire à Takamatsu, en occupant déjà une partie du territoire Mōri ainsi qu'en ayant vaincu la flotte Mōri avec ses navires « atakebune ». Akechi Mitsuhide est quand à lui défait à la bataille de Yamasaki, puis probablement tué par des brigands lors de sa retraite.

navire akatebune
Navires « akatebune » japonais à rames.
conseil guerre yamasaki
Conseil de guerre du félon Akechi Mitsuhide avant la bataille de Yamasaki en 1582.
nakamura yamasaki
Le bandit Nakamura, dont une rumeur dit qu'il aurait tué Akechi Mitsuhide peu de temps après la bataille de Yamasaki.

Toyotomi Hideyoshi s'occupa des funérailles d'Oda Nobunaga et pris le parti de Sanboshi, petit fils et héritier de son ancien maître. Tous les anciens généraux d'Oda Nobunaga se rallièrent à Toyotomi Hideyoshi, à l'exception de Shibata katsuie et de Tokugawa Ieyasu.

shibata katsuie
Le général Shibata Katsuie (柴田勝家, 1522-1583)

Shibata katsuie prit le parti de Oda Nobutaka, fils de Oda Nobunaga. Shibata katsuie fut finalement vaincu à la bataille de Shizugatake le 11 juin 1583. Il se suicida avec sa famille.

conseil guerre shizugatake
Conseil de guerre des généraux de Toyotomi Hideyoshi avant la bataille de Shizugatake en 1583.

En 1585, Toyotomi Hideyoshi est adopté par l’un des amis du shōgun Ashikaga – Konoe Sakihisa – chef du clan Fujiwara, lui permettant de devenir membre de l’aristocratie et d'accéder ainsi aux plus hautes fonctions honorifiques. La cour impériale lui accorde également l'honneur rarissime de lui attribuer un nouveau nom de clan (Toyotomi), l'intégrant ainsi au « kuge » (noblesse aristocratique). Il devient « kanpaku » ou régent et prend le nom de Toyotomi Hideyoshi.

fleur paulownia premier ministre
Armoiries de Toyotomi Hideyoshi.
Tokugawa Ieyasu mit un terme définitif au clan Toyotomi en 1615. Le symbole évoquant la fleur de Paulownia (« Go-shichi no kiri », 五七の桐, « paulownia tomentosa ») servira à partir de 1875 à représenter le cabinet du Premier ministre ainsi que d'autres fonctions officielles.
fleur paulownia ordre soleil levant
La fleur de Paulownia symbolise également la classe exceptionelle (Ordre des fleurs de Paulownia) de « l'ordre du Soleil levant » crée en 1888.

Après la victoire de Shizugatake, Toyotomi Hideyoshi invite tous les daimyōs dans son château d'Osaka qu'il vient de finir de bâtir. En conséquence, Oda Nobutaka rompt les liens avec Toyotomi Hideyoshi, estimant qu'il a outrepassé ses fonctions. Oda Nobutaka demande ensuite une aide militaire à Tokugawa Ieyasu.

oda nobutaka
Oda Nobutaka (織田信長, 1558-1583)

Tokugawa Ieyasu soutenant quand à lui le deuxième fils de Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi et Tokugawa Ieyasu s'affrontent lors d'une succession de batailles (bataille de Komaki et bataille de Nagakute - ou bataille d'Iwasakiguchi -) en 1584. Tokugawa Ieyasu évite la confrontation directe contre un adversaire plus puissant que lui mais inflige tout de même de sérieux revers militaires à son adversaire. En 1585, Tokugawa Ieyasu préféré ensuite se soumettre à son rival, devenir son vassal et continuer ainsi malgré tout le processus en cours d'unification du pays. Tokugawa Ieyasu a entre temps considérablement agrandi son territoire vers le nord.

carte regions japon 1584
Territoire japonais en 1584

À l'ouest, les Mōri désormais sous son contrôle, Toyotomi Hideyoshi envahit l'île de Shikoku et s'empare du territoire de Chōsokabe Motochika. Au sud, il s'empare également de la province montagneuse de Kii et en finit avec la rébellion des « Negoro-gumi », les moines du temple Negoro. La cour impériale lui décerne le titre de régent ou kanpaku (son humble extraction familiale l'empêchait de devenir shōgun). C'est en 1586 que Toyotomi Hideyoshi devient « daijodaijin ».

chōsokabe motochika
Chōsokabe Motochika (長宗我部 元親, 1538-1599)
chosokabe mon
Mon du clan Chōsokabe
carte regions japon 1585
Territoire japonais en 1585

Après le ralliement de Tokugawa Ieyasu, Toyotomi Hideyoshi s'empare du territoire du clan Uesugi. Ce dernier est facilement contrôlé sachant que ce dernier connaît une guerre de succession depuis la mort en 1578 du redoutable Uesugi Kenshin.

uesugi kenshin
Uesugi Kenshin (上杉 謙信, 1530-1578)
carte regions japon 1586
Territoire japonais en 1586

Vient ensuite une gigantesque opération militaire forte de 150 000 hommes contre la famille Shimazu sur l'île méridionale de Kyūshū. Ce fut la plus vaste opération militaire de l'histoire de l'archipel. La capitale Kagoshima tombe et Shimazu Yoshihiro se ralliera et deviendra un général important de Toyotomi Hideyoshi.

shimazu yoshihiro
Shimazu Yoshihiro (島津 義弘, 1535-1619)
mon clan shimazua
Mon du clan Shimazu
carte regions japon 1587
Territoire japonais en 1587
carte regions japon 1589
Territoire japonais en 1589

Toyotomi Hideyoshi s'empare ensuite des territoires entourant les deux derniers daimyōs qui lui résistent à l'est de l'archipel, celui des Hōjō et celui des Date. En très forte infériorité numérique, le chef de clan Hōjō Ujimasa se suicide à Odawara. Au même moment, Date Masamune vient prêter hommage à Toyotomi Hideyoshi à Kyōto.

hojo ujimasa
Hōjō Ujimasa (北条氏政, 1538-1590)
mon hojo
Mon du clan Hōjō
date masamune
Statue équestre de Date Masamune (伊達 政宗, 1567–1636) au château de Sendai, préfecture de Miyagi.
date mon
Mon du clan Date

En 1590, tous les clans se sont soumis et c'est tout l'archipel qui est unifié sous l'autorité de Toyotomi Hideyoshi.

carte regions japon 1590
Territoire japonais en 1590
carte regions japon 1591
Territoire japonais en 1591

b/ La centralisation de l'archipel

Toyotomi Hideyoshi pris plusieurs mesures pour standardiser et évaluer les ressources que devaient envoyer les daimyōs. Sachant que le revenu de chaque daimyō était calculée en « kokus »(un koku équivalait à 180 litres de riz, soi la quantité de riz nécessaire pour nourrir une personne pendant un an), celui-ce devait envoyer un contingent de soldat proportionnel à sa fortune lorsque l'ordre de mobilisation était donné.

carte kyushu riz
Carte de l'île de Kyūshū avec les rendements de riz en kokus.

Un arpentage des terres fut ordonné par Toyotomi Hideyoshi en 1583. Ce dernier eut plusieurs conséquences. Tout d'abord, il permit de mesurer la production et donc d'en déduire la collecte exacte de l'impôt, cette centralisation permit aussi aux paysans de ne plus verser des taxes aux temples, aux sanctuaires ou à la noblesse. En 1588, Toyotomi Hideyoshi édicta une loi imposant aux populations urbaines et rurales de se débarrasser de leurs armes et de déclarer un lieu de résidence fixe. L'objectif était surtout de se prémunir contre les soulèvements du type Ikko-ikki. Une autre loi interdit en 1590 aux Japonais de changer de classe. Les samouraïs ne pouvaient ainsi plus devenir paysans durant une partie de l'année, ils devaient désormais choisir leur statut et ne pouvaient plus en changer.

conquete oda nobunaga toyotomi hideyoshi
Conquêtes de Oda Nobunaga et Toyotomi Hideyoshi.
toyotomi hideyoshi
Toyotomi Hideyoshi à cheval avec son célèbre casque évoquant les rayons du soleil.

c/ Les persécutions contre les Chrétiens

La grande révolte de Shimabara de 1637 dans la région de Nagasaki voit se coaliser, après deux années de famine successives, des paysans japonais convertis au christianisme depuis l'arrivée des missionnaires européens un siècle auparavant. Leur principal fait d'arme est leur résistance acharnée dans la forteresse de Hara qu'ils avaient investi et transformé en quartier général.

amakusa shiro
Amakusa Shirō (天草 四郎, 1621-1638)
Daimyō chrétien, il était Un des meneurs de la rébellion de Shimabara. Il sera décapité par les forces shogunales après la prise de la forteresse.
siege hara
Siège de la forteresse de Hara en 1637.

d/ Les expéditions en Corée (1592 et 1597)

La fin des guerres au Japon et l'unification du pays entraîne le désœuvrement de dizaines de milliers de combattants aguerris et rompus à l'art de la guerre. C'est d'abord pour canaliser cette masse d'hommes que Toyotomi Hideyoshi va s'engager dans des expéditions militaires contre la Corée. Il fallait aussi de nouvelles richesses et de nouvelles terres à distribuer dans une société féodale où récompenses ses vassaux était primordial pour conserver les allégeances.

carte coree
Carte de la Corée au 15ème à l'époque de la dynastie des rois Joseon (1392-1897)

La force d'invasion doit servir à coloniser la Corée afin de la transformer en base arrière en vue de conquérir ensuite la Chine et l'Asie du sud-est. Le shōgun compte tirer profit des juteuses retombées commerciales alors que la Chine des Ming refuse d'ouvrir le marché chinois aux commerçants japonais depuis près d'un demi-siècle.

statue toyotomi hideyoshi
Le torii du temple Hōkoku et la statue de Toyotomi Hideyoshi à Osaka.

Une expédition commandée par Konishi Yukinaga est levée en mai 1592 et 160 000 soldats débarquent au port coréen de Pusan. Les Japonais défont les Coréens et progressent rapidement dans le pays. Ils divisent leurs forces en huit corps d'armées et s'emparent des villes de Séoul et de Pyongyang en quelques mois.

konishi yukinaga
Konishi Yukinaga (小西 行長, 1555–1600), daimyō converti au christianisme et commandant la première armée d'invasion japonaise.
mon konishi yukinaga
Mon de Konishi Yukinaga
japonais pusan
Les Japonais débarquent à Pusan en 1592.
infantrie japonaise
Infanterie japonaise (ashigarus) utilisant des fusils « tanegashima » et se protégeant derrière des palissades de bois.
arquebuse japonaise
Arquebuses de fabrication japonaise, les arquebuses japonaises portent le nom générique de « tanegashimas », du nom de l'île de Tanegashima qui a vue les premiers Européens débarquer dans l'archipel.

Face à la menace d'invasion, le roi de Corée demande rapidement l'intervention de la Chine. En 1593, l'empereur Wanli de la dynastie Ming - en dépit d'une guerre déjà en cours contre les Mongols ainsi que d'une rébellion dans le sud-ouest du pays - envoie une armée chinoise de 40 000 hommes commandée par Li Rusong avec un soutien d'artillerie fort de 400 pièces. 10 000 Coréens et 5 000 moines-soldats bouddhistes les soutiennent. Les alliés reprennent Pyongyang et assiègent Séoul avec 20 000 combattants. Mais l'armée alliée est défaite par les Japonais le 27 janvier 1593 lors de la bataille de Byeokjegwan dans les environs de Séoul. Les Japonais attirèrent les Chinois dans un piège et empêchèrent la cavalerie chinoise de se déployer efficacement.

kato kiyomasa tigre
Le général japonais Katō Kiyomasa (加藤清正, 1562-1611) chassant le tigre en Corée.
Katō Kiyomasa était une des fameuses « sept lances de Shizugatake » (賤ヶ岳の七本槍), gardes du corps de Toyotomi Hideyoshi à la bataille de Shizugatake en 1583.
Le tigre, animal emblématique, était connu dans l'archipel grâce aux contacts avec la Chine mais n'était pas présent au Japon.
kato kiyomasa
Katō Kiyomasa, commandant un des corps d'armée japonais, franchit la frontière chinoise et s'empare d'une forteresse en Mandchourie contre les mongols Uriankhai.
La rivalité entre Konishi Yukinaga et Katō Kiyomasa ne fera que croître lors de la guerre d'Imjin, elle se poursuivra jusqu'à la bataille de Sekigahara en 1600.
armee ming
L'armée Ming campant dans la province chinoise de Ningxia.
washa coreen
« Washa » coréen lançant des fusées ou des flèches enflammées.

En mars 1593, les Japonais subissent une défaite à Haengju et perdent 10 000 hommes en tentant de prendre d'assaut la forteresse. Les Coréens utiliseront de façon massive leurs lance-fusées « washas » capables de tirer 100 roquettes ou 200 flèches enflammées en même temps. Ces pièces étaient longues à charger mais ont infligé des dégâts considérables dans les lignes japonaises. Cette victoire a redonné beaucoup d'espoir à l'armée coréenne jusque là durement malmenée par les envahisseurs.

canons coreens
Étendard des rois coréens Joseon.
chinois pyongyang
L'armée chinoise s'emparant de Pyongyang en 1593.

Les Japonais remportent une victoire en s'emparant de Jinju en juillet 1593. Des dizaines de milliers de combattants et de civils coréens trouvent la mort.

Si l'armée japonaise a su rapidement faire la différence sur terre, le ravitaillement est compromis par la supériorité tactique et technique de la flotte de guerre coréenne. L'armée japonaise souffre de pénuries dès l'hiver 1592, sans compter la résistance coréenne, en dépit de répressions sanglantes, qui s'organise et mène la vie dure au corps expéditionnaire nippon.

amiral no ryang
L'amiral coréen Yi Sun-sin (1545-1598), héros national et grand artisan de la victoire coréenne contre les tentatives d'invasions japonaises. Il meurt au combat lors de la bataille de No-Ryang en 1598.
panokseon
Vaisseau de combat « Panokseon » pouvant embarquer 12 canons, formant l'ossature de la marine de guerre coréenne et s'avérant être supérieur techniquement à ses rivaux japonais. 24 meurtrières peuvent aussi servir aux tirs de mousquets.
navire tortue coreen
Réplique d'un « Kobukson » ou navire-tortue coréen, premier navire protégé par des plaques de métal hérissées de pointes. Ce navire « cuirassé » précède ainsi de près de trois siècles ses contemporains européens.
navire tortue coreen
Réplique d'un « Kobukson » ou navire-tortue coréen (Mémorial de la guerre à Séoul).

Les Japonais furent ensuite contraints de se retrancher dans leurs forteresses sans que les Chinois et les Coréens parviennent à les en déloger. Au bout de trois années de négociations infructueuses, Toyotomi Hideyoshi enverra une seconde force d'invasion de 140 000 hommes en 1597 pour tenter de s'emparer définitivement de la Corée.

canons coreens
Canons utilisés sur les navires de guerre coréens.
chateau fushimi
Réplique du château de Fushimi - ou château de Momoyama - construit en 1594, détruit en 1596 par un tremblement de terre, puis reconstruit en 1964, préfecture de Kyōto.
Ce château construit par Toyotomi Hideyoshi devait lui servir de résidence et devait accueillir les pourparlers de paix avec les diplomates chinois afin de mettre fin à la guerre d'Imjin.

Cette fois, le but n'était plus d'envisager une conquête de la Chine mais plus simplement de tenter de s'emparer du territoire coréen. La Chine va encore largement soutenir les Coréens en leur fournissant un important soutien terrestre et naval.

Démis de ses fonctions probablement à cause d'une stratagème du service de l'espionnage japonais, le charismatique amiral coréen Yi Sun-sin est en prison lorsque les Japonais rassemblent leur flotte au large de la ville coréenne de Pusan en 1597.

enseigne coreenne
Enseigne de la marine coréenne Joseon.

La flotte coréenne attaque frontalement un ennemi bien supérieur en nombre et subit une lourde défaite face à la flotte japonaise à la bataille de Chilcheollyang le 28 août 1597. Près de 200 navires coréens sont envoyés par le fond. L'amiral Yi Sun-sin est ensuite libéré de prison et rappelé d'urgence par le roi de Corée.

Sur terre, les Japonais s'emparent de Pusan, prennent d'assaut Namwon, et viennent à bout de la forteresse de Hwangseoksan après une attaque nocturne menée par Katō Kiyomasa.

kato kiyomasa singe
Katō Kiyomasa observant un singe.

Revenu à son poste d'amiral de la flotte coréenne, Yi Sun-sin fait à nouveau preuve de son habileté tactique. Avec seulement 13 navires rescapés du désastre de Chilcheollyang, l'amiral Yi Sun-sin attire la flotte japonaise dans le détroit de Myeongryang et coule plusieurs dizaines de bateaux japonais. L'amiral coréen utilisera à bon escient les courants marins et la stabilité du tir de ses excellents canons montés sur ses bateaux plats.

bataille myeongryang
Bataille de Myeongryang le 26 octobre 1597.

Cette défaite est un choc pour les Japonais (30 navires détruits et 90 inutilisables). Elle leur interdit pratiquement l'accès à la mer de Chine, compromet gravement les lignes de ravitaillement, et met quasiment fin à la campagne terrestre japonaise. La tête du commandant japonais Kurushima Michifusa sera même tranchée et montée en haut d'un mât au cours de la bataille.

L'armée des Ming et des Coréens reprend ensuite l'offensive terrestre en tentant de s'emparer de la ville côtière de Ulsan défendue par 7 000 soldats. Les 36 000 aliés utilisent des hwachas et ne sont pas loin de submerger les défenseurs mais des renforts japonais arrivent et aident à contenir les assauts alliés. Une contre-attaque japonaise en direction de l'armée alliée en train de se replier fait même 20 000 morts parmi les Chinois et Coréens.

singijeon
Structure « singijeon » (lance-flèches) pouvant être montée sur un hwacha.
assaut citadelle ulsan
Assaut mené contre la citadelle de Ulsan.

Les Chinois acheminent des renforts dans la péninsule en 1598 et comptent 75 000 soldats prêts à bouter les Japonais hors de la péninsule. Ils s’apprêtent à engager leurs forces simultanément vers Ulsan, Sacheon et Suncheon.

Le commandant de l’expédition japonaise Konishi Yukinaga décide de rapatrier 70 000 soldats vers l'archipel, ne laissant que 60 000 hommes chargés du maintien du territoire encore contrôlé. Les Japonais tiennent fermement leurs positions et toutes les tentatives alliées s'avèrent être des échecs.

assaut suncheon
Assaut allié mené contre le donjon du château de Suncheon en 1598.

De guerre lasse, Toyotomi Hideyoshi souhaite donc que le Japon se désengage totalement de Corée. Avant de mourir le 18 septembre 1598, ses derniers ordres concerneront le rapatriement des soldats japonais encore en Corée. Les Coréens maîtrisent les mers et l'objectif des Japonais est de forcer le blocus de la forteresse de Suncheon afin de rapatrier le corps expéditionnaire japonais.

bataille noryang
Bataille de Noryang le 16 décembre 1598.

Le 16 décembre 1598 s'engage la bataille de Noryang. Une flotte de 500 navires japonais commandée par Tōdō Takatora, essentiellement des navires de transport aménagés, fait face à 300 navires coréens et chinois bien mieux équipés. Les flottes alliées ont rapidement le dessus grâce à leurs tirs à distance, mais elles font ensuite l'erreur de raccourcir la distance et de permettre aux Japonais de partir à l'abordage et de combattre au corps à corps. L'amiral Yi Sun-sin trouvera la mort ce jour-là.

piece yi sunsin
Pièce de monnaie coréenne à l'effigie de Yi Sun-sin.

C'est une victoire tactique pour les alliés puisqu'ils coulent ou capturent plus de la moitié de la flotte japonaise. mais c'est une relative victoire stratégique pour les Japonais qui réussissent à évacuer toutes leurs garnisons et à les exfiltrer vers le Japon.

Le shogunat Toyotomi sort fragilisé par les guerres de Corée. D'autant que ce sont les daimyōs de l'ouest de l'archipel, favorables au clan Toyotomi, qui ont le plus contribué à l'effort de guerre financièrement et militairement. L'est de l'archipel, sous la férule d'un Tokugawa Ieyasu qui avait passé un accord de neutralité avec Toyotomi Hideyoshi, a su préserver ses forces avant la guerre de succession qui s'annonce après la mort de Toyotomi Hideyoshi.

mausolee toyotomi hideyoshi
« Houkokubyo », mausolée de Toyotomi Hideyoshi dans le quartier Higashiyama-ku à Kyōto.

La Corée sort dévastée de ces sept années de conflit. En plus des combats et de la résistance coréenne très durement réprimée par les Japonais, leurs alliés chinois occupent une partie du pays et en ont profité pour rappeler leur statut de suzerain sur le pays. Des milliers de Coréens ont été aussi vendus comme esclaves aux Portugais.

toyotomi hideyori
Toyotomi Hideyori (豊臣 秀頼, 1593-1615), fils de Toyotomi Hideyoshi.

D'un point de vue culturel, les potiers coréens déportés de force apportèrent leurs savoir-faire dans l'archipel japonais et contribuèrent grandement à l'essor de cet art. Des artisans, des médecins, des professeurs ou encore des fondeurs d'or furent obligés eux-aussi d'aller offrir leurs services aux daimyōs japonais.

6/ Tokugawa Ieyasu (徳川家康, 1543-1616)

Avant de mourir, Toyotomi Hideyoshi nomma cing régents (Tokugawa Ieyasu, Maeda Toshiie, Ukita Hideie, Mōri Terumoto, Uesugi Kagekatsu) afin de veiller sur les intérêts de son héritier Toyotomi Hideyori et de diriger la pays en attendant que son fils soit en âge de lui succéder. Parmi les vassaux de Toyotomi Hideyoshi, deux factions virent le jour, l'une se composait de généraux, l'autre de bureaucrates militaires. Le chef de file des bureaucrates était Ishida Mitsunari, administrateur remarquable et principal vassal de Toyotomi Hideyoshi.

ishida mitsunari
Ishida Mitsunari (石田 三成, 1559-1600)
mon ishida
Mon du clan Ishida (composé de six kanjis)

Après la mort de Toyotomi Hideyoshi en 1598, des dissensions apparurent au grand jour entre Ishida Mitsunari et certains vassaux, notamment avec Katō Kiyomasa, Fukushima Masanori et Asano Yukinaga. Ces généraux détestaient Ishida Mitsunari, accusé de protéger son beau-fils : Fukuhara Nagataka. Ce dernier, inspecteur militaire durant la guerre de Corée, avait notamment traité de lâches Katō Kiyomasa et Asano Yukinaga lors d'une bataille à Chinju. En 1599, les trois daimyōs ont même attaqué Ishida Mitsunari. Contraint de se réfugier chez Tokugawa Ieyasu, ce dernier n'en a pas pour autant profité pour se débarrasser de ce rival.

kato kiyoamasa statue
Statue au temple Myoryuji (préfecture d'Ishikawa) du célèbre Katō Kiyomasa, surnommé « Kishōkan » (Général-Démon) par ses hommes. Konishi Yukinaga, commandant le corps expéditionnaire en Corée, fut son voisin territorial et son grand rival depuis 1587, date à laquelle Katō Kiyomasa fut installé dans le domaine de Kumamoto sur l'île de Kyūshū.
mon clan kato
Mon du clan Katō

Une autre querelle de succession divisa les daimyōs entre les partisans de Kōdai-in - la veuve de Toyotomi Hideyoshi - et les partisans de son ancienne maîtresse Yodo-dono. Beaucoup de généraux optèrent pour l'ancienne femme de Toyotomi Hideyoshi, contrairement aux administrateurs qui n'eurent pas de scrupule à opter pour l'ancienne maîtresse et son fils.

kodai in
Kōdai-in (高台院, 1546-1624), veuve de Toyotomi Hideyoshi, choisira le camps de Tokugawa Ieyasu.

Toutes ces tensions, ajoutées aux dissensions apparues lors de la guerre en Corée, brisèrent l'unité des vassaux de Toyotomi Hideyoshi. Tokugawa Ieyasu, premier régent et apprécié par ses vassaux, était le plus puissant daimyō du japon, disposant de revenus (2,5 millions de kokus) supérieurs aux revenus réunis des deux plus puissants daimyōs après lui (les deux régents Mōri Terumoto et Uesugi Kagekatsu avec 1,2 million de kokus chacun). Tokugawa Ieyasu, le dernier des trois unificateurs du Japon, avait fait allégeance à Toyotomi Hideyoshi en 1586, mais ce dernier ne lui faisait pas entièrement confiance. Tokugawa Ieyasu avait donc préservé l'intégralité de ses forces jusqu'à la mort de son suzerain, aucun de ses soldats n'ayant combattu dans le bourbier coréen.

tokugawa ieyasu
Tokugawa Ieyasu (徳川家康, 1543-1616)
armoiries tokugawa ieyasu
Mon de Tokugawa Ieyasu (clan Tokugawa).

Après la mort de Toyotomi Hideyoshi, l'un des cinq régent, Uesugi Kagekatsu, quitta Ōsaka pour retourner dans son domaine recruter des rōnins (samouraïs indépendants) et entreposer des armes et des vivres, sans avoir cependant l'accord de Tokugawa Ieyasu. Proche du domaine de Tokugawa Ieyasu, ce dernier ne pouvait pas tolérer un tel affront. Son statut de premier régent lui permit de mobiliser tous les daimyōs contre le félon, et de prendre acte des défections éventuelles.

uesugi kagekatsu
Uesugi Kagekatsu (上杉 景勝, 1556-1623)

C'est alors que Ishida Mitsunari appelle les daimyōs favorables à Toyotomi Hideyoshi à se soulever contre le premier régent Tokugawa Ieyasu. Ishida Mitsunari souhaitait ensuite faire élire Mōri Terumoto commandant en chef, et l'inviter à s'installer avec lui au château d'Osaka. Chaque daimyō de l'archipel est ainsi obligé de prendre parti et de choisir son camps, même si des revirements sont toujours possibles, y compris sur le champs de bataille.

mori terumoto
Mōri Terumoto (毛利 輝元, 1553-1625)

Un troisième acteur va avoir un rôle décisif dans la bataille de Sekigahara : Kobayakawa Hideaki, neveu de Toyotomi Hideyoshi et tuteur légal de son fils, Toyotomi Hideyori. Kobayakawa Hideaki est quelqu'un d'indécis. Il a participé très jeune à la guerre en Corée mais s'est surtout attiré le mépris des autres généraux pour sa lâcheté. Kobayakawa Hideaki a été disgracié peu après par Toyotomi Hideyoshi. Réhabilité par la suite et demeurant un allié de Ishida Mitsunari, il a toutefois envoyé une lettre avant la bataille à Tokugawa Ieyasu lui affirmant qu'il se battrait à ses côtés lors de sa confrontation contre les forces d'Ishida Mitsunari.

Kobayakawa hideaki
Kobayakawa Hideaki (小早川 秀秋, 1577–1602), neveu de Toyotomi Hideyoshi.

Les forces sous le contrôle direct de Tokugawa Ieyasu avant la bataillé décisive de Sekigahara étaient de 70 000 hommes. Celui prend la tête de 30 000 hommes et s'engage sur la route du Tōkaidō. Son fils Tokugawa Hidetada avait le commandement de 40 000 hommes mais fut retardé en chemin sur la route du Nakasendo par Sanada Yukimura au château d'Ueda.

sanada yukimura
Sanada Yukimura (真田幸村, 1567-1615)
mon clan sanada
Mon du clan Sanada
chateau ueda
Le château d'Ueda, préfecture de Nagano.

L'obstination de Tokugawa Hidetada à s'emparer du château malgré la défense remarquable du stratège Sanada Yukimura font que les troupes de Tokugawa Hidetada n'arrivèrent pas à temps pour la bataille de Sekigahara, ce qui aurait pu être désastreux pour l'armée de l'Est.

situation 1600
Les régions japonaises à la veille de la bataille de Sekigahara entre l'armée de l'Ouest (Ishida Mitsunari) et l'armée de l'Est (Tokugawa Ieyasu).
plaine sekigahara
La plaine de Sekigahara

Les forces de Ishida Mitsunari (bleu) campèrent à l'ouest de la plaine de Sekigahara. Son allié présumé Kobayakawa Hideaki (jaune) occupait le sommet du mont Matsuo. Les vassaux de Ishida Mitsunari : Mōri Hidemoto, Ankokuji Ekei, Natsuka Masaie, Kikkawa Hiroie et Chōsokabe Morichika étaient quant à eux positionnés à l'est des monts Nangu et Momokubari (bleu).

bataille sekigahara 4h30
Bataille de Sekigahara, situation à 4h30.

Les troupes de Tokugawa Ieyasu (rouge), arrivant de l'est, longèrent la rivière Ei, passèrent devant les vassaux de Ishida Mitsunari positionnés au dessus d'eux et se dirigèrent vers le gros des troupes de Ishida Mitsunari. Asano Yukinaga et Ikeda Terumasa se chargeant de protéger les arrières de l'armée de l'Est en marche. La situation de l'armée de Tokugawa Ieyasu semble compromise, prise en tenaille par les forces de son adversaire.

arquebuses edo
Arquebuses de l'époque Edo.
Les armes à feu sont connues depuis longtemps au Japon grâce aux échanges avec la Chine, mais l'arquebuse européenne, puis sa copie japonaise, même si elles restent encore longues à recharger, commencent lentement à modifier les tactiques militaires compte tenu de leurs portées et de leurs puissances de feu.

L'armée de l'Ouest comprend 120 000 hommes et arrive avant l'armée de l'Est. Ishida Mitsunari organise sa défense en faisant monter des palissades en bois sur ses positions. L'armée de l'Est possède 75 000 hommes. Même si il sait qu'il ne pourra pas compter sur l'armée commandée par son fils, Tokugawa Ieyasu compte sur la bien meilleure cohésion de son armée et les possibles défections dans le clan de son ennemi, d'autant plus que Tokugawa Ieyasu est depuis longtemps en tractation avec certains clans adverses.

mon clan kikkawa
Mon du clan Kikkawa

Le résultat des longs pourparlers du rusé Tokugawa Ieyasu ne va d'ailleurs pas se faire attendre très longtemps puisque Kikkawa Hiroie (J1) refuse d'avancer et bloque même les accès aux autres troupes susceptibles de fondre sur l'arrière garde de l'armée de l'Est. Mais les Mōri avaient eux-aussi négocié leur neutralité sur le champs de bataille en échange de la conservation de leurs domaines. D'ailleurs, le chef de clan Mōri Terumoto (B2), qui aurait dû logiquement conduire l'armée de l'Ouest, avait refusé de s'engager dans cette bataille. C'est ainsi tout le groupe d'armée, près du mont Nangu, chargé de prendre l'armée de l'Est en étau, qui fait défection ou qui est empêché de combattre.

bataille sekigahara 8h
Bataille de Sekigahara, situation à 8h.

Fukushima Masanori et Matsudaira Tadayoshi engagent le combat sur le flanc droit et entraînent toute l'armée de l'Est avec eux en direction du camps fortifié de Ishida Mitsunari (au Japon, le premier samouraï à charger l'ennemi jouissait d'un grand respect, le guerrier qui secourait les blessés était aussi très respecté). Ce dernier demande à Shimazu Yoshihiro (4) de venir renforcer le centre du front, afin de contenir l'attaque de l'armée de l'Est. Mais c'est une autre défection qui a à nouveau lieu parmi les troupes de l'armée de l'Ouest.

mon clan shimazua
Mon du clan Shimazu

Shimazu Yoshihiro est un grand guerrier respecté qui aurait pû se battre initialement pour Tokugawa Ieyasu. Il a changé de camp après la tentative de négociation humiliante au château de Fushimi tenu par Mototada Torii, peu avant la bataille de Sekigahara. Mais il refuse d’obéir au chef de l'armée de l'Ouest, estimant que celui-ci n'est pas en mesure de lui donner des ordres, d'autant plus vexé par le fait que Ishida Mitsunari n'a pas répondu positivement à sa demande de faire une attaque de nuit contre l'armée de l'Est.

bataille sekigahara 11h
Bataille de Sekigahara, situation à 11h.

C'est à ce moment de la bataille que le chef de l'armée de l'Ouest lance un signal et demande au jeune Kobayakawa Hideaki (jaune) d'intervenir et d'attaquer l'armée de l'Est. Celui-ci ne réagit pas et semble hésiter sur la marche à suivre. Il est lié familialement au chef de l'armée de l'Ouest, mais est aussi redevable à Tokugawa Ieyasu pour lui avoir sauvé la vie.

bataille sekigahara
Vue du champs de bataille de Sekigahara depuis le camp de Ishida Mitsunari.

Le commandant de l'armée de l'Est ayant aussi essayé de le soudoyer, et se sachant probablement en position de force (l'armée de 40 000 hommes de son fils n'a même pas engagé le combat et pourra servir en cas de retraite et de nouvelle bataille), Tokugawa Ieyasu va décider de précipiter les choses en faisant envoyer une volée de flèches vers les troupes de l'indécis Kobayakawa Hideaki. Ce dernier va finalement sceller le sort de la bataille en envoyant ses troupes contre l'armée de l'Ouest.

bataille sekigahara 12h
Bataille de Sekigahara, situation à 12h.

L'armée de l'Est réussit à repousser l'attaque du jeune Kobayakawa Hideaki, mais sachant que l'issue de la bataille ne fait désormais plus de doute, d'autres daimyōs de l'armée de l'Ouest refusent dorénavant de combattre plus longtemps ; certains se retirent du champs de bataille, voire se retournent même contre leur ancien chef. L'armée de l'Ouest est ainsi complètement disloquée et a perdu la bataille.

tete coupee
Les soldats coupaient les têtes des généraux vaincus et les rapportaient comme trophées à leurs seigneurs en échange de récompenses.

En désespoir de cause, Shimazu Yoshihiro mènera une impressionnante percée en traversant l'armée de l'Est afin de s'échapper. Plusieurs daimyōs s'interposeront, dont Li Naomasa - célèbre pour la tenue rouge de ses soldats - qui trouvera la mort en tentant de lui barrer la route. Shimazu Yoshihiro ramènera finalement 50 hommes avec lui sur l'île de Kyūshū. Il sera gracié par Tokugawa Ieyasu deux ans après la bataille.

shimazu yoshihiro
Shimazu Yoshihiro (島津 義弘, 1535-1619)
bataille sekigahara
Bataille de Sekigahara

Capturé quelques jours après la bataille par des villageois, le chef de l'armée de l'Ouest Ishida Mitsunari fût décapité à Kyōto quelques semaines plus tard. Le général et ancien commandant du corps expéditionnaire en Corée, Konishi Yukinaga, trouvera également la mort ce jour-là. Ankokuji Ekei, moine bouddhiste rinzai et diplomate, sera lui aussi décapité.

sakakibara yasumasa
Sakakibara Yasumasa, général de Tokugawa qui a exécuté Ishida Mitsunari.
Sakakibara Yasumasa était un des quatre « grands rois gardiens » de Tokugawa Ieyasu, avec Li Naomasa, Honda Tadakatsu et Sakai Tadatsugu. Cette formule était un sobriquet se rapportant à la légende des « quatre rois du paradis » dans la tradition bouddhique. Les quatre généraux étaient des « fudai daimyō » (譜代大名), fidèles au clan Tokygawa avant la bataille de Sekigahara (contrairement aux « tozama daimyō » ralliés après la bataille). Les « shimpan daimyō » - la classe la plus élevée des daimyōs - étaient quant à eux des parents proches de Tokugawa Ieyasu.

Pour récompenser tous ses vassaux, Tokugawa Ieyasu confisquera les domaines de 90 familles et redistribuera un total de 6,5 millions de kokus. Le jeune Kobayakawa Hideaki verra son domaine passer de 51 000 à 574 000 kokus. Mais il ne profitera pas longtemps de son domaine et mourra deux ans plus tard après avoir été atteint de démence.

edo shogun
Edo va devenir la capitale shogunale du shogunat Tokugawa pendant plus de deux siècles et demi (planche provenant des « Vues des sites célèbres des soixante et quelques provinces du Japon » de l'artiste Utagawa Hiroshige).

Tokugawa Ieyasu installe en 1600 sa nouvelle capitale à Edo (江戸, « porte de la rivière »), qui sera renommée Tōkyō (« capitale de l'Est ») à partir de l'ère Meiji. Tokugawa Ieyasu est nommé shōgun en 1603 par l'empereur Go-Yōzei. Le shogunat Tokugawa durera plus de 250 ans et correspondra à une longue période de stabilité, d'urbanisation, de développement économique mais aussi de rayonnement artistique.

provinces japon tokugawa ieyasu
Provinces japonaises à l'époque de Tokugawa Ieyasu.
possessions tokugawa ieyasu
Possessions de Tokugawa Ieyasu en 1614.

7/ Le shogunat Tokugawa (1600-1868)

Le « sankin-kotai » (参勤交代) - système de résidence alternée entre la capitale et leur province d'origine - fut imposé aux daimyōs (seigneurs) afin de les contraindre à rester fidèle au shōgun et de les asphyxier financièrement (la famille du daimyō restait à Edo et pouvait servir d'otage le cas échéant).

escorte daimyo edo
Escorte d'un daimyō avec des marchands près de la capitale shogunale d'Edo.

Tokugawa Yoshinobu (1837-1913) fut le quinzième et dernier shōgun du Japon (1866-1867). Contesté par les puissants daimyōs de l'ouest souhaitant un rattrapage technologique sur l'Occident ainsi qu'une refonte des institutions autour de la personne de l'Empereur, les derniers partisans du shōgun, encadrés notamment par des Français, mèneront une lutte finale désespérée sur l'île d'Hokkaidō.

Tokugawa Yoshinobu ceremonie
Tokugawa Yoshinobu en habit de cérémonie.
Tokugawa Yoshinobu
Tokugawa Yoshinobu avec des armes occidentales.

Le titre de « Sei-i Taishōgun » (« grand général pacificateur des barbares ») fut aboli pendant la restauration Meiji en 1868. L'empereur mettra fin à la politique isolationniste du shogunat Tokugawa et fera tout pour moderniser son économie, son industrie et ses armées, afin de lutter contre les traités commerciaux inégaux imposés par les Occidentaux.

flotte perry 1854
Flotte du commodore Perry lors de la deuxième visite au Japon en 1854.