Sommaire :
- 1/ La menace mongole
- 2/ La piraterie wakō
- 3/ Arrivée des Européens
- 4/ Politique de fermeture du shogunat
- 5/ Les Incursions occidentales pendant l'isolement
- 6/ Les bateaux noirs du commodore Perry
- 7/ Les traités inégaux
- 8/ La fin du shogunat Tokugawa
- 9/ Soif de modernisation sous l'ère meiji
1/ La menace mongole
En 1213, les Mongols, avec à leur tête Gengis Khan, franchissent la muraille de Chine et envahissent la Chine. Après une âpre résistance, le territoire coréen cède à son tour devant l'invasion mongole. Les territoires mongols formeront le plus grand empire terrestre de l'histoire.
L'unification d'une grande partie du continent asiatique favorisera le commerce et notamment la route de la soie. Le vénitien Marco Polo se rendra en Chine et entendra parler du « Ribenguo », le pays du soleil levant, que l'italien transcrira en « Cipango ».
À partir de 1260, les Mongols envisagent d'envahir le Japon. Ils adressent un ultimatum aux Japonais leur exhortant de devenir des vassaux de l'empire mongol, injonction repoussée par le régent Hōjō Tokimune. Les Mongols tenteront à deux reprises d'envahir le Japon, en 1274 et 1281, ces deux tentatives se soldant finalement par des échecs.
Le shogunat Kamakura contrôlé par le clan Hōjō sortira considérablement renforcé de cette double confrontation victorieuse.
2/ La piraterie wakō
Les « Wakō » (Wō/倭 : japonais - kòu/寇 : bandits) désignent les pirates japonais razziant les côtes japonaises, coréennes et chinoises entre les 14ème et 16ème siècles. En réaction, les autorités étatiques construiront de nombreuses places fortes et enverront en guise de représailles des expéditions contre les repaires pirates, notamment sur l'île de Tsuhima. En 1419, La Corée enverra 227 navires et 17 000 soldats à l'assaut de l'île, détruisant 2 000 maisons et 124 navires.
Au 16ème siècle, les pirates Wakō étaient constitués de 70% de Chinois et de 30% de Japonais. Les autorités chinoises lanceront également plusieurs campagnes contre l'île de Taiwan (Formose). Parfois utilisés par les daimyōs locaux, le processus d'unification du Japon avec Hideyoshi Toyotomi et sa « chasse aux sabres » ou « katanagari » (rendant plus difficile l'approvisionnement en armes) entamera le déclin de la piraterie wakō. L'arrivée des Portugais et des armes à feu européennes accélérera l'éradication de la piraterie.
3/ Arrivée des Européens
C'est après avoir embarqués en 1542 sur une jonque chinoise, et dérivés en mer de Chine, que les Portugais découvrirent par hasard le pays du Soleil Levant en s'échouant sur l'île de Tanegashima, au sud de l'île de Kyūshū. Les Portugais apporteront aux Japonais des armes à feu comme les arquebuses ou les canons, bouleversant ainsi la pratique de la guerre sur l'archipel dans les décennies à venir. Les arquebuses porteront d'ailleurs désormais le nom de « tanegashima ».
Outre les armes à feu et la poudre, toutefois déjà connus depuis les invasions mongoles et par les échanges avec les Chinois, les Portugais introduiront le savon et le tabac. Ils échangeront aussi de la soie grège chinoise et achèteront aux Japonais de l'argent provenant des mines d'Iwami. Des missionnaires espagnols et italiens ne tarderont pas à se rendre eux-aussi au Japon au cours de la seconde moitié du 16ème siècle. Les Japonais appelleront ces Européens les « Nanbanjin », c'est à dire les « barbares [venus des mers] du Sud ». Un peu plus tard, les Japonais surnommeront les Anglais - et surtout les Hollandais - les « Kōmōjin » (« les hommes à poils rouges »).
La délégation japonaise « Keichō » fera une brève escale à Saint-Tropez (Samuel le stagiaire du site s'est mangé une baffe pour avoir demandé si les Japonais étaient les premières stars du sow-biz à venir dans ce petit port de pêche paumé sur la côte d'Azur, faut pas déconner quand même !) en 1615 durant leur voyage entre l'Espagne et l'Italie (première fois que des Japonais et des Français se rencontreront) :
« Ne touchez jamais la nourriture avec leurs mains, mais utiliser deux tiges minces tenant avec trois doigts. »
« Ils soufflent leur nez dans les feuilles souples et soyeux de la taille d'une main, qu'ils ne jamais utiliser deux fois, puis se jettent sur le sol après utilisation, et ont été ravis de voir que les gens autour d'eux se sont précipités pour les ramasser. »
« Leurs épées coupées si bien qu'ils peuvent couper une mince feuille de papier appoggiandovelo sur le bord et en soufflant sur elle. »
("Relations de Mme de St Troppez" octobre 1615, Bibliothèque Inguimbertine, Carpentras).
Soucieux d'éviter des conversions massives au catholicisme, les Japonais privilégieront désormais l'entretien de rapports restreints avec les seules puissances protestantes anglaise et hollandaise et fermeront les frontières aux autres pays à partir de 1638. L'île de Dejima, au large de Nagasaki, sera ainsi le seul accès commercial européen vers le Japon en 1641.
L'arrivée des Européens donnera naissance à la culture « nanban », c'est à dire une culture japonaise influencée par l'Europe (pain, vin, origan, horloges, orgue, viole, lunettes, tabac, médecine, astronomie, géographie, peinture à l'huile, eau forte, presse d'imprimerie, etc.).
Les Japonais se sont aussi intéressés à l'horlogerie mécanique européenne, introduites par les missionnaires jésuites puis par les marchands hollandais. Le pays du Soleil-levant développera bientôt ses propres horloges (和時計, « wadokei »).
4/ Politique de fermeture du shogunat
L'arrivée des missionnaires européens - catholiques portugais et espagnols - entraîne la conversion de centaines de milliers de Japonais. On comptera en 1614 une dizaine d'églises dans la ville désormais la plus chrétienne de l'archipel : Nagasaki.
D'abord tolérant avec la nouvelle religion chrétienne durant les premières années, le shogunat Tokugawa souhaite préserver l'unité religieuse du pays dans un pays qui vient à peine d'achever son unité politique.
En 1637 a lieu une insurrection populaire à Shimabara et dans les îles Amakusa. Cette région fortement christianisée et tournée vers la mer a subi de plein fouet la politique de fermeture du pays. Après quelques succès comme la prise du château de Hara, les représailles seront sans pitié de la part du pouvoir en place.
Mais plus important encore que la question religieuse, le shogunat a comme objectif de priver les puissants daimyōs de l'ouest du Japon de leur lucratif commerce avec la Chine et l'est de l'Asie. Priver ces seigneurs de guerre de cette importante source financière les empêchera potentiellement de se constituer une importante armée pouvant être utilisée contre les Tokugawa. Les daimyōs « tozamas » de l'ouest - statut regroupant les seigneurs qui se sont ralliés à Tokugawa Ieyasu seulement après la bataille de Sekigahara - sont particulièrement concernés par la nouvelle politique de fermeture du pays.
Le shogunat Tokugawa va ainsi édicter une série de décrets isolationnistes plus connus sous le nom de « sakoku »(鎖国, « pays fermé »). Cette politique va restreindre le commerce des marchandises vers le Japon mais aussi le déplacement des personnes. Cette politique d' « interdiction de la mer » (« kaikin ») sera aussi désignée (sakoku) à partir du début du 19ème siècle sous le nom de « pays enchaîné »
Les seuls Européens autorisés à établir un comptoir dans l'archipel sont d'abord les Portugais sur l'île de Dejima, près de la ville de Nagasaki. Les Hollandais protestants supplanteront ensuite les Portugais catholiques - jugés trop prosélytes et craignant une conquête armée après l'évangélisation d'une partie de la population japonaise - à partir de 1639 en tant que partenaires européens exclusifs du shogunat pendant la période d'isolement du « sakoku ».
Le commerce avec les autres peuples asiatiques était également soumis à des lieux définis. Ainsi, le commerce avec les Coréens avait lieu uniquement sur l'île de Tsushima, le commerce avec les Aïnous était confiné à Matsumae sur l'île d'Hokkaido, celui avec le royaume de Ryūkyū était réduit à Satsuma. Le Japon va également conserver une route commerciale avec la Chine dans le port de Nagasaki. Les avancées occidentales seront diffusées au compte goutte grâce à des comptes-rendus réguliers. Le bakufu (gouvernement shogunal) exigera également des Hollandais des rapports réguliers sur la situation internationale.
En 1635 est émis l'interdiction aux Japonais de se rendre à l'étranger. Les résidents japonais vivant à l'étranger n'ont quand à eux plus le droit de revenir au japon.
Vers la fin du 17ème siècle et au début du 18ème siècle apparaîtront des courants s'interrogeant sur l'identité japonaise et son rapport avec le reste du monde. Les deux courants les plus importants sont celui des « études nationales », ainsi que celui des « études hollandaises ».
Le shōgun Tokugawa Yoshimune (1716-1745) va reconsidérer les rapports avec les Hollandais en autorisant l'importation de livres à l'exception de ceux sur la foi chrétienne. Il va aussi encourager l'apprentissage du néerlandais chez de jeunes étudiants. C'est ainsi que naquit un courant intellectuel que les Japonais de l'époque désignent comme les « yōkaku » (études occidentales), ou « rangaku » (études hollandaises).
C'est ainsi que les médecins japonais s'initient dans les traductions d'un ouvrage néerlandais consacré à la dissection (1774) et d'un traité sur les maladies internes (1793). D'autres savants « hollandistes » s'intéressent aux sciences naturelles et à la pharmacopée.
Les « études nationales » sont initiées par Motoori Norinaga (1730-1801). Ce dernier ne supporte plus le caractère autoritaire du pouvoir shogunal d'Edo et éprouve à contrario de la sympathie pour la cour impériale de Kyōto. Il travaillera pendant des décennies sur l'histoire du Japon avant l'introduction de la culture chinoise. Hirata Atsutane (1776-1843) étudiera lui aussi le Japon ancien et souhaitera promouvoir la religion shintō et refonder le système autour de l'empereur du Japon.
5/ Les Incursions occidentales pendant l'isolement
Les Occidentaux ont tenté à de nombreuses reprises de forcer l'isolement dans lequel s'est confiné le Japon. Voici une liste de quelques tentatives.
Date | Tentative d'incursion occidentale | |
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1647 | Des navires de guerre portugais tentent de rentrer dans le port de Nagasaki. 900 bateaux japonais les en empêchent. | |
1738 | Une escadre russe se rend sur l'île d'Honshu, près de l'actuel parc national Rikuchu Kaigan. | |
1778 | Un navire marchand russe accoste à Hokkaido. Sa demande de faire du commerce est rejetée malgré les cadeaux apportés. | |
1787 | Jean-François de Galaup, comte de Lapérouse, visite les îles Ryūkyū et longe la côte nord de l'île d'Hokkaidō. | |
1791 | Deux navires étasuniens, le « Lady Washington » et le « Grace », mouillent dans l'île de Kii Ōshima. | |
1792 | Le russe Adam Laxman visite l'île d'Hokkaidō. | |
1797 | De 1792 à 1809, de nombreux navires étasuniens tentent de commercer à Nagasaki sous pavillon hollandais, ces derniers ne pouvant y commercer à cause des guerres napoléoniennes et de la royal navy britannique contrôlant les océans. | L'étasunien William Robert Stewart se rend à Nagasaki avec des marchandises hollandaises. |
1803 | William Robert Stewart retourne à Nagasaki pour tenter en vain de commercer dans l'enclave hollandaise de Dejima. | |
1804 | Une expédition russe qui fait le tour du monde commandée par Adam Johann von Krusenstern fait escale à Nagasaki. Nikolai Rezanov demande l'ouverture du commerce entre les deux pays. Suite au refus du bakufu, les navires repartent durant l'automne 1805. Les Russes attaqueront par la suite les îles Sakhaline et les îles Kouriles. Le gouvernement shogunal construira des défenses à Ezo (ancien nom d'Hokkaidō). | |
1808 | La frégate anglaise « HMS Phaeton » obtient par la force le droit de se ravitailler dans l'enclave hollandaise de Dejima. Stupéfaction des Japonais. | |
1811 | Le lieutnant de vaisseau Vasily Golovnin mouille sur l'île de Kunashiri. Il est arrêté par le bakufu est est emprisonné durant deux ans. | |
1825 | Le gouvernement shogunal, suite aux propositions de Takahashi Kageyasu (高橋景保), demande aux défenses côtières d'arrêter ou de tuer tous les étrangers qui tenteraient d'accoster au Japon. | |
1830 | Le brick australien « Cyprus » qui s'est mutiné contre son équipage britannique, arrive à Mugi (préfecture de Tokushima) pour demander de l'approvisionnement, le navire est attaqué par les Japonais. | |
1830 | L'étasunien Nathaniel Savory établit une colonie sur les îles Bonin, revendiquées par le Japon mais inhabitées. | |
1837 | L'étasunien Charles W. King à bord du « Morrison » profite du sauvetage de trois marins japonais sur les côtes de l'Oregon pour tenter de commercer avec les autorités japonaises, sans succès toutefois. | |
1842 | Suite à la défaite chinoise durant la guerre de l'opium et les critiques émises après l'incident avec le navire « Morrison », le bakufu suspend l'ordre d'éxecuter les étrangers et décrête « l'ordre de les approvisionner en bois et en eau » (« Shinsui kyuyorei »/薪水給与令). | |
1844 | Une expédition française commandée par le capitaine Fornier-Duplan visite Okinawa. le commerce leur est refusé mais le père Forcade et un traducteur sont autorisés à rester au Japon. | |
1845 | Le baleinier étasunien « Manhattan » avec à son bord 22 pécheurs japonais secourus est autorisé à mouiller dans la baie d'Edo. Après un échange de cadeaux, les autorités japonaises lui demande ensuite de partir et de ne plus jamais revenir au Japon. | |
1846 | L'amiral français Cécille arrive à Nagasaki mais échoue dans ses tentatives de négociation et n'a pas l'autorisation de mettre pied à terre. Il était accompagné de deux prêtres ayant appris le japonais : le père Forcade et le père Ko. | |
1848 | Le capitaine James Glynn parvient le premier à entamer des négociations avec le Japon. Il recommande au Congrès d'utiliser la force afin d'aboutir à un traité commercial. | |
1849 | Le navire de la Royal Navy « HMS Mariner » entre dans le port d'Uraga et établit un relevé topographique. Le japonais Otokichi servira de traducteur en se faisant passer pour un chinois qui appris la langue japonaise grâe à une ancienne relation de son père ayant travaillé à Nagasaki. | |
1853 | Le diplomate russe Yevfimy Putyatin arrive à Nagasaki avec un moteur à vapeur. Le japonais Hisashige Tanaka étudiera le moteur et deviendra le concepteur de la première locomotive à vapeur japonaise. |
6/ Les bateaux noirs du Commodore Perry
Après une guerre d'agression remportée contre le Mexique en 1846, les États-Unis ont vu leur territoire s'agrandir considérablement, et disposent désormais d'une façade terrestre sur l'Océan Pacifique. Les Américains sont intéressés par la pêche à la baleine mais surtout par le commerce avec les Chinois. Après que les Occidentaux aient remporté la première guerre de l'opium en 1844 - et que les Chinois aient concédé des traités commerciaux inégaux à leur détriment -, les navires étasuniens ont désormais un besoin impératif de se ravitailler dans les ports japonais avant de traverser le Pacifique.
L'amiral étasunien Matthew Perry aborde les côtes japonaises en juillet 1853 avec quatre navires de guerre et mouille à Uraga dans la baie d'Edo. Il est porteur d'une lettre du président étasunien adressé au shōgun, demandant l'ouverture de relations diplomatiques et commerciales entre les deux pays. Perry annonce qu'il reviendra pour connaître la réponse des autorités japonaises.
En février 1854, Matthew Perry est de retour, avec cette fois sept navires dont trois frégates à vapeur. Le bakufu cède et signe le 31 mars 1854 la Convention de Kanagawa, mettant ainsi un terme à 220 années d'isolement. Le Japon ouvre deux ports (Shimonada et Hakodate) aux navires américains souhaitant se ravitailler.
Le terme japonais « kurofune » (黒船) peut se traduire par « navires noirs ». Il évoque les quatre navires étasuniens arrivés en 1853 : le « Mississippi », le « Plymouth », le« Saratoga » , et le « Susquehanna ». La couleur noire étant symbolisée par la couleur des coques des navires mais aussi par la fumée noire s'échappant des tuyères des moteurs à charbon des bateaux américains. Le terme « kurofune » était toutefois déjà désigné pour représenter les navires portugais dont la coque était recouverte de goudron. Il servira par la suite à désigner tous les navires occidentaux.
Conscients de la nette supériorité technologique militaire des Occidentaux, depuis la première guerre de l'opium notamment, et débattant depuis longtemps sur la meilleure façon d'appréhender la confrontation qui allait inévitablement arriver, la première expédition Perry a tout de même provoqué l'effroi et la stupeur chez les Japonais. Les Étasuniens faisant fi de toutes les demandes japonaises lui signifiant de se rendre au port de Nagasaki, Perry menacera même de faire feu sur la ville d'Edo si il n'est pas autorisé à se rendre à terre.
Un fameux « kyōka » (poème japonais) relate cet incident, profondément gravé dans l'imaginaire japonais :
泰平の / Taihei no / Tiré
眠りを覚ます / Nemuri o samasu / D’un sommeil paisible
上喜撰 / Jōkisen / Par le thé jōkisen
たった四杯で / Tatta shihai de / Quatre tasses suffisent
夜も眠れず / Yoru mo nemurezu / Empêchent de fermer l’œil de la nuit
La lecture des mots pivots permettent cependant d’entrevoir une traduction alternative. « Taihei » (太平) peut renvoyer à l’« Océan Pacifique », « jōkisen » (蒸気船) signifie aussi « bateau à vapeur » et « shihai » peut vouloir dire « quatre vaisseaux ».
7/ Les traités inégaux
Les « traités inégaux » (nom donné par les Chinois à cette série de traités) sont des traités commerciaux signés par les pays asiatiques sous la contrainte de la force. Ils consistent pour les puissances occidentales en des avantages commerciaux, des concessions territoriales, et des ports ouverts au commerce.
Le Japon, lui-même assujetti à des traités inégaux par les Occidentaux, a pu lui aussi imposer plus tard des traités inégaux à la Chine et à la Corée, une fois son rattrapage technologique avec l'Occident entamé.
Traité | Année | Bénéficiaire(s) | |
---|---|---|---|
Nom français | Nom chinois | ||
Traité de Nankin | 南京條約 | 1842 | Royaume-Uni |
Traité de la Bogue | 虎門條約 | 1843 | Royaume-Uni |
Traité de Wanghia | 中美望廈條約 | 1844 | États-Unis |
Traité de Whampoa | 黃埔條約 | 1844 | France |
Traité de Canton | 中瑞廣州條約 | 1847 | Royaumes-Unis de Suède et de Norvège |
Traité de Kulia | 中俄伊犁塔爾巴哈台通商章程 | 1851 | Russie |
Traité d'Aigun | 璦琿條約 | 1858 | Russie |
Traité de Tientsin | 天津條約 | 1858 | France, Royaume-Uni, Russie, États-Unis |
Convention de Pékin | 北京條約 | 1860 | France, Royaume-Uni, Russie |
Convention Chefoo | 煙台條約 | 1876 | Royaume-Uni |
Traité de Saint-Petersbourg | 伊犁條約 | 1881 | Russie |
Traité de Tientsin | 中法新約 | 1885 | France |
Traité sino-portugais de Pékin | 中葡北京條約 | 1887 | Portugal |
Traité de Shimonoseki (traité de Maguan) | 馬關條約 | 1895 | Japon |
Traité Li–Lobanov | 中俄密约 | 1896 | Russie |
Convention de l'extension territoriale de Hong-Kong | 展拓香港界址專條 | 1898 | Royaume-Uni |
Traité de Kwangchow Wan | 廣州灣租界條約 | 1899 | France |
Protocole Boxer | 辛丑條約 | 1901 | France, Royaume-Uni, Russie, États-Unis, Japon, Allemagne, Italie, Autriche-Hongrie, belgique, Espagne, Pays-Bas |
Accord Simla | 西姆拉條約 | 1914 | Royaume-Uni |
Les Vingt-et-Unes demandes | 二十一條 | 1915 | Japon |
Cessez le feu Tanggu | 塘沽協定 | 1933 | Japon |
Traité | Année | Bénéficiaire(s) | |
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Nom français | Nom japonais | ||
Convention de Kanagawa | 日米和親条約 | 1854 | États-Unis |
Traité d'amitié anglo-japonais | 日英和親条約 | 1854 | Royaume-Uni |
Traités Ansei | 安政条約 | 1858 | États-Unis, Pays-Bas, Russie, Royaume-Uni, France |
Traité d'amitié et du commerce | 日米修好通商条約 | 1858 | États-Unis |
Traité d'amitié et du commerce anglo-japonais | 日英修好通商条約 | 1858 | Royaume-Uni |
Traité d'amitié, du commerce et de la navigation prusso-japonais | 日普修好通商条約 | 1861 | Prusse |
Traité d'amitié, du commerce et de la navigation entre l'Autriche et le Japon | 日墺修好通商航海条約 | 1868 | Autriche-Hongrie |
Traité d'amitié, du commerce et de la navigation hispano-japonais | 日西修好通商航海条約 | 1868 | Espagne |
Traité | Année | Bénéficiaire(s) | |
---|---|---|---|
Nom français | Nom coréen | ||
Traité nippo-coréen de 1876 (traité de Ganhwa) | 강화도 조약 (江華島條約) | 1876 | Japon |
Traité americano-coréen de 1882 | 조미수호통상조약 (朝美修好通商條約) | 1882 | États-Unis |
Traité nippo-coréen de 1882 (traité de Chemulo) | 제물포 조약 (濟物浦條約) | 1882 | Japon |
Traité sino-coréen de 1882 (Lois du commerce et des communications Joseon-Qing) | 조청상민수륙무역장정 (朝淸商民水陸貿易章程) | 1882 | Empire des Qing |
Traité germano-coréen de 1883 | 조독수호통상조약 (朝獨修好通商條約) | 1883 | Allemagne |
Traité anglo-coréen de 1883 | 조영수호통상조약 (朝英修好通商條約) | 1883 | Royaume-Uni |
Traité russo-coréen de 1884 | 조로수호통상조약 (朝露修好通商條約) | 1884 | Russie |
Traité italo-coréen de 1884 | 조이수호통상조약 (朝伊修好通商條約) | 1884 | Italie |
Traité nippo-coréen de 1885 (traité de Hanseong) | 한성조약 (漢城條約) | 1885 | Japon |
Traité franco-coréen de 1886 | 조불수호통상조약 (朝佛修好通商條約) | 1886 | France |
Traité austro-coréen de 1892 | 조오수호통상조약 (朝奧修好通商條約) | 1892 | Autriche-Hongrie |
Traité belgo-coréen de 1901 | 조벨수호통상조약 (朝白修好通商條約) | 1901 | Belgique |
Traité danno-coréen de 1902 | 조덴수호통상조약 (朝丁修好通商條約) | 1902 | Danemark |
Traité nippo-coréen de 1904 | 한일의정서 (韓日議定書) | 1904 | Japon |
Protocole nippo-coréen d'aout 1904 | 제1차 한일협약 (第一次韓日協約) | 1904 | Japon |
Protocole nippo-coréen d'avril 1905 | 1905 | Japon | |
Protocole nippo-coréen d'aout 1905 | 1905 | Japon | |
Traité nippo-coréen de 1905 | 제2차 한일협약 (第二次韓日協約) (을사조약 (乙巳條約)) | 1905 | Japon |
Traité nippo-coréen de 1907 | 제3차 한일협약 (第三次韓日協約) (정미조약 (丁未條約)) | 1907 | Japon |
Traité nippo-coréen de 1910 | 한일병합조약 (韓日倂合條約) | 1910 | Japon |
8/ La fin du shogunat Tokugawa
Il faut rappeler que le Japon a été découvert tardivement par les Occidentaux étant donné qu'il se trouvait parmi les dernières parties du monde déclarées « terra incognita ». Les Européens ont dû faire le tour de l'Afrique, puis s'aventurer dans les océans Indien et Pacifique avant de découvrir l'archipel par hasard. Les Russes ont eux dû traverser l'immense continent asiatique septentrional avant de déboucher sur la côte Pacifique. Quand aux Étasuniens, ils se sont appropriés tout le Sud-Ouest de leur territoire actuel et donc leur façade Pacifique seulement au milieu du 19ème siècle. De plus, avant de découvrir fortuitement le Japon au nord de l'Océan Pacifique, les Occidentaux avaient comme objectif l'exploitation des formidables richesses que leur offraient déjà l'Asie, les Indes et la Chine en particulier.
Les occidentaux qui préoccuperont le plus les Japonais pendant tout le 19ème siècle sont les Russes. Ces derniers ont achevé de conquérir la Sibérie et lorgnent désormais sur les îles Sakhaline et Kouriles. Le Japon mettra tout en oeuvre pour pacifier et coloniser l'île d'Hokkaidō et tenter de s'emparer avant la Russie des îles Sakhaline et Kouriles. Les Russes jettent aussi leur dévolu sur l'île de Tsuhima, qui leur permettrait de posséder une base mettant à l'abri l'escadre du Pacifique de la banquise hivernale. Cependant, l'incident avec le navire britannique « Phaeton » en 1808 rappelle douloureusement aux Japonais qu'ils sont confrontés avec des puissance qui leur sont technologiquement supérieures.
La pression et la ronde des navires occidentaux ne fera que s'accentuer tout au long du 19ème siècle. Après les Portugais, les Hollandais, les Espagnols, les Français ou les Russes, ce sont donc bien les Anglo-saxons qui vont se montrer les plus agressifs et revendicatifs. La découverte par les Japonais envoyés en Chine que la « lingua franca » est la langue anglaise, la victoire anglaise lors de la première guerre de l'opium, et surtout les « bateaux noirs » de Perry ne feront que le confirmer.
Déjà affaibli par de très graves crises sociales dans les années 1830 auxquelles le régime shogunal est incapable de répondre efficacement, la politique isolationniste du bakufu est également de plus en plus contestée. Des voix s'élèvent au Japon pour affirmer qu'en l'état actuel des choses, le Japon n'aura aucune chance de gagner une éventuelle guerre contre une nation occidentale. Force est de constater qu'après la venue en 1853 de la première flotte américaine du commodore Perry au large du Japon et des premiers renoncements de souveraineté occasionnés par les traités inégaux, il ne faudra que quinze ans pour voir en 1868 le shogunat Tokugawa s'effondrer.
Une fois mis devant le fait accompli par l'escadre étasunienne, le shōgun va prendre différentes mesures controversées qui s'apparenteront à autant de signes de faiblesse. Tout d'abord il informe la cour impériale de l'arrivée des navires étasuniens et demande aux daimyōs leur avis sur les mesures à prendre. La cour impériale fait savoir au shōgun qu'elle souhaite repousser les étrangers. La plupart des grands seigneurs sont du même avis.
Cependant, Le bakufu cède lors de deuxième incursion du commodore Perry dans les eaux japonaises et signe le 31 mars 1854 le traité d'amitié nippo-étasunien (Convention de Kanagawa). Le Japon ouvre deux ports (Shimonada et Hakodate) aux navires américains souhaitant se ravitailler. La « diplomatie de la canonnière » a force de loi et ce sont bientôt les Pays-Bas, la Russie, le Royaume-Uni et la France qui prennent le pas des États-Unis en signant des traités inégaux (traités Ansei) avec le Japon en 1858. Ces traités, beaucoup plus commerciaux qu'amicaux, contraignent notamment le Japon d'appliquer aux autres pays, les conditions accordées aux États-Unis en vertu de la « clause de la nation la plus favorisée ».
Le commerce extérieur japonais est désormais fondé sur les concessions étrangères. L'ancien petit village de Yokohama devient en quelques années un centre important. Inauguré en 1859, le nouveau port concentre rapidement les deux tiers du commerce extérieur du pays et détrône le port de Nagasaki.
L'ouverture du marché japonais aux produits occidentaux suite à la signature des traités entraîne une importante période d'instabilité économique avec une hausse du chômage et une inflation importante. L'ancien système monétaire de l'archipel n'est plus en usage et le cours de l'or à la vente est imposé en défaveur des Japonais, entraînant d'importantes évasions du métal précieux vers l'étranger.
Malgré quelques tentatives pour réformer le pays (partage du pouvoir avec les grands daimyōs, promotion à des postes de responsabilité des gens talentueux, installation de canons sur les côtes, fin de l'interdiction aux seigneurs de construire des navires de fort tonnage, création d'une école de guerre avec des instructeurs néerlandais, création d'un institut de recherches sur les livres « barbares »), la soumission du bakufu à des intérêts étrangers provoque un tollé au sein de la population japonaise.
Beaucoup se rallient au mot d'ordre « expulser les barbares » (« jōi chokumei »), mais d'autres, notamment les puissants fiefs tozama du Sud-Ouest de l'archipel, souhaitent faire « tomber le bakufu » (« tōbaku »), voire rétablir l'empereur au cœur d'un nouveau système étatique avec le slogan « vénérons l'empereur » (« sonnō »).
Le gouvernement shogunal, aidé militairement par les Français, ne pourra pas résister à la coalition menée par les fiefs du Sud-Ouest (Chōshu et Satsuma notamment), soutenue quand à elle par les Britanniques. Le shogunat prend fin et la restauration impériale est proclamée le 3 janvier 1868. Les derniers combattants de l'armée shogunale, retranchés à Hakodate sur l'île d'Hokkaido et encadrés par des officiers français, résisteront jusqu'en mai 1869.
9/ Soif de modernisation sous l'ère meiji
Avant même la fin des combats contre les derniers soldats de l'armée shogunale, le nouveau gouvernement impérial fait jurer devant les dieux en avril 1868 au jeune souverain Mutsuhito une charte de cinq articles définissant les nouvelles orientations du régime :
1/ Promouvoir largement des assemblées et décider des choses selon l'opinion publique ;
2/ Unir le peuple entier afin d'assurer la prospérité ;
3/ Que tous, depuis les fonctionnaires et les militaires jusqu'au peuple, puissent agir selon leur volonté et ne soient pas conduits à se désintéresser des choses publiques ;
4/ En finir avec les abus du passé et se fonder sur la voie juste de la nature ;
5/ Aller à la recherche de la connaissance de par le monde et établir ainsi avec force les fondements de l'empire.
Le jeune empereur du Japon, qui a pris après son accession au trône le 3 février 1867, comme c'est de coutume, le nom posthume de Meiji (明治) qui signifie « gouvernement éclairé » (« lumière/clarté » - 明, « mei » - et « gouvernement » - 治, « ji » -), va délaisser Kyōto (« ville-capitale ») et s'installer à Tōkyō (« capitale de l'Est »), le nouveau nom désormais de la ville d'Edo. L'empereur va désormais occuper ses quartiers dans l'ancienne résidence shogunale.
De profondes réformes vont être engagées à l'occasion de ce changement de régime. À l'inititiative des quatre fiefs du Sud-Ouest (Satsuma, Chōshū, Tosa et Hizen) les quatre daimyōs incitent tous les autres daimyōs à restituer leurs seigneuries en faveur de l'Empereur (« hanski no hōkan », « la restitution à l'empereur [par les daimyōs] de leurs domaines et de leurs gens »). En 1871, on fait décréter par l'empereur le « haihan chiken », « la suppression des fiefs et la création de départements » avec des préfets nommés par le gouvernement. Les anciens daimyōs deviendront ainsi les futurs gouverneurs provinciaux, sortes de préfets territoriaux, chargés d'administrer leurs anciens fiefs dans leurs nouvelles circonscriptions administratives. Ils recevront également un dixième des revenus estimés de leur anciens fiefs.
Au Japon, une des premières initiatives du nouvel Empereur du Japon est de rencontrer des ambassadeurs étrangers en 1868. Le message envoyé aux Occidentaux est d'abord d'indiquer que l'Empereur constitue désormais l'autorité suprême du pays, mais également que l'ouverture du pays est la nouvelle politique du régime.
L'un des principaux objectifs des réformateurs est de rattrapper le retard technologique sur l'occident afin de pouvoir renégocier les traités inégaux. Les dirigeants vont ainsi se lancer dans un programme d'alphabétisation en instituant un ministère de l’Éducation en 1871 et en créant un système scolaire unique en 1872. Les autorités envoient également des étudiants japonais à l'étranger, mais font aussi venir au Japon des professeurs, des ingénieurs et des techniciens afin de former les Japonais dans les domaines où les Occidentaux peuvent leur apprendre quelque chose.
Su le plan politique, la Constitution Meiji de 1889 (明治憲法, « Meiji Kenpō ») s'inspirera du modèle allemand avec un exécutif fort et un pouvoir parlementaire limité. L'empereur restera en principe le chef décisionnaire suprême, notamment en ce qui concerne la guerre, mais sera plus tard obligé d'entériner la politique décidée par les militaires. Les Japonais s'inspireront également du système judiciaire allemand.
Le parlement japonais (国会, « Kokkai ») sera ensuite réduit à un rôle honorifique avec la prise de pouvoir par les militaires. C'est le Premier ministre, choisi par les militaires, qui deviendra le véritable chef du gouvernement. Les Japonais rejetteront les modèles français et espagnols jugés trop démocratiques, et s'inspireront également du système parlementaire anglais de Westminster même si ils le jugeront tout de même accorder une trop grande place au parlement.
L'industrialisation du pays est encouragée par le gouvernement japonais. En plus des lourds investissements entrepris par les autorités pour améliorer les infrastructures, les initiatives privées sont encouragées, et de grands conglomérats familiaux industriels et financiers - dont l'origine est parfois ancienne - voient bientôt le jour (財閥, « zaibatsu »), allant même jusqu'à influencer la politique étrangère du pays.
Avant la Première Guerre mondiale, les 4 grands « zaibatsus » (四大財閥, « yondai zaibatsu » : Sumitomo, Yasuda, Mitsui et Mitsubishi) contrôlent 30% des industries minières, chimiques et métallurgiques, 50% du marché d'équipement, 70% de la bourse des échanges, ainsi qu'une grande partie de la flotte commerciale. De nouveaux groupes émergeront après la guerre russo-japonaise de 1904.
L'écrivain allemand Albrecht Fürst von Urach s'exprimera ainsi en 1942 à propos de l'essor inexorable du Japon : « L'ascension du Japon au cours des 80 dernières années à la puissance mondiale qu'elle est désormais est le plus grand miracle de l'histoire du monde. Les puissants empires de l'Antiquité, les principales institutions politiques du Moyen Âge et du début de l'ère moderne, l'Empire espagnol, l'Empire britannique, ont tous eu besoin de plusieurs siècles pour atteindre leur pleine puissance. La montée du Japon a été fulgurante. Après seulement 80 ans, c'est l'une des rares grandes puissances qui détermine le destin du monde ».